Chevauchée avec le Diable (Ride Clear of Diablo) (1954) de Jesse Hibbs
De bons vieux petits westerns 50's qui décidément me mettent en joie. Même si Audie Murphy donne toujours l'impression d'avoir douze ans et prête toujours un peu à rire quand il joue les gros durs, on s'attache progressivement à son personnage candide et héroïque qui déjoue tous les pronostics. Il débarque donc en ville pour retrouver les assassins de son père et de son frère. Si la ville est truffée d'arsouilles (notamment le shérif et le notaire qui sont d'ailleurs responsables de la mort des deux proches d'Audie), les alentours ne valent pas mieux : l'excellent Dan Duryea (totalement en free-lance avec sa voix de canard et son rire gras) incarne un tueur moins con qu'il en a l'air de même que le louche Jack Elam qui possède définitivement la tête de l'emploi - le gros chacal de service. Le shérif fait d'Audie son adjoint et le lance sur la piste de ces deux bandits en espérant bien qu'il se prenne une balle entre les omoplates. Non seulement notre Audie tient tête à Jack mais il parviendra même à sympathiser avec ce couillon de Duryea aussi imprévisible que fendard. On saupoudre le tout avec deux ptits rôles féminins (la séduisante fille de bar Abbe Lane (le sosie d'Isabella Rosselini dans Sailor et Lula ? Dites-moi si j'ai bu...) et la sage mais tortine Susan Cabot avec son soutif Playtex dont les armatures sont en corne de zébu). Même si le scénar est cousu de fil blanc et rouge (Audie Murphy is the hero et le premier qui se gausse de son air poupon ne fait jamais longtemps le malin), cette oeuvre - la deuxième du gars Hibbs et bien la première que je découvre - se suit avec plaisir, en particulier grâce à un Murphy gonflé aux amphètes et aux seconds couteaux qui se la donnent, Dan Duryea en tête.
Hibbs dispose peut-être d'un budget de série B mais sa photo, d'une belle luminosité, parvient notamment à mettre en valeur le joli minois de ses actrices (Cabot ou Abbe... cette dernière disposant pour sa part d'une garde-robe qui n'est pas du meilleur goût - mention spéciale pour sa robe à frou-frou jaune canari avec les extrémités des manches vert fluo...). Un peu de séduction dans ce monde de brutes... rigolardes. Si le premier sourire dont se fend Jack Elam vaut le détour (ahah ce petit gringalet aux joues roses qui à un prénom de bagnole veut arrêter le grand Dan Duryea ?!), le fou-rire de ce dernier faisant son entrée en ville, menottes aux poignets, vaut à lui seul le voyage. On pensait faire la connaissance d'un tireur cynique sans foi ni loi, on découvre peu à peu en lui - grâce à l'influence du gars Audie droit dans ses bottes - un gars fidèle en amitié et beaucoup plus honnête que sa sale réputation. La bonne idée du bazar, c'est que le Dan sait pertinemment que plus il exhumera en lui sa part d'humanité, plus il risque de courir à sa perte - le monde de la jungle et celui du western ne faisant qu'un... Seulement voilà, il ne peut lutter contre ce sentiment d'amitié qu'il a envers Audie... Même si Dan aura le chic pour le mettre dans des situations tordues (son rire résonnant toujours de façon infernale), il tentera toujours au final de veiller sur lui. Audie Murphy qui semble avoir déjà lu l'ensemble du scénario joue sur du velours et nous met dans sa poche au quart de tour... Le chef d'oeuvre de Hibbs ? - nan je déconne et ne me fais pas d'illusion : je sais très bien que l'un de nos talentueux lecteurs va finir par me sortir un épisode de Perry Mason réalisé par ce même Hibbs dans les années 60 absolument "génial". Du coup, je préfère la jouer sobre et vous enjoins simplement de tenter cette sympathique chevauchée avec le diable.