Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
25 septembre 2013

Le Dernier des Hommes (Der Letzte Mann) de Friedrich Wilhelm Murnau - 1924

last_laugh_B
J'ai beau revoir de temps en temps Le Dernier des Hommes, pensant être passé à côté de quelque chose, je n'arrive pas à me passionner pour ce film, que voulez-vous. Dieu et ce blog nous sont témoins : nous adorons Murnau dans la plupart de ses oeuvres, et il est visiblement évident de considérer celui-ci comme un de ses meilleurs. Mais pour tout dire, je ne comprends pas grand chose à ce bazar, et je le trouve très mal équilibré, réalisé à l'arrache et dirigé sans queue ni tête, ça y est, c'est dit.

doorman
Avant tout, notez bien que je reconnais les éclats de génie du film. Dès le départ, on est emballé par l'utilisation de la porte à tambours de l'hôtel. En filmant sa première séquence depuis l'intérieur de l'hôtel à travers cette porte, Murnau rend concret le procédé de la pellicule et du défilement de photogrammes, c'est subtil et magnifique. On admire aussi la grande mobilité de la caméra, chose qui ne devait pas être courante à l'époque : on dirait que certaines scènes sont carrément filmées à l'épaule, mais subitement, on passe à travers une fenêtre, on franchit une porte, et alors on reste perplexe face à la technique : comment a-t-il fait ? Murnau utilise aussi (ça doit être une des premières fois) la caméra subjective, pour montrer la vision d'un gars bourré notamment : même si le résultat est encore un peu hésitant, la tentative elle-même suffit à notre bonheur. Les impulsions expressionnistes font elles aussi beaucoup d'effet, l'utilisation des décors, des ombres, des angles, de ce très joli arrière-plan de ville pleine de buildings écrasants, force le respect. Bref, techniquement, visuellement, on est souvent comblé. Et on se dit que ce film est sûrement très novateur pour l'époque.

12779_DER-LETZTE-MANN-6
Mais ces coups de génie sont au service d'un film qui, honnêtement, se traîne lamentablement. A commencer par le jeu de Emil Jannings, absolument incompréhensible. Pourquoi ces mines de bambin pris en faute au début du film ? Pourquoi cette lenteur dans tous ses gestes ? Son jeu, expressif jusqu'à la clownerie, semble déjà daté en 1924, et quand on se rappelle comment Murnau sait diriger ses acteurs quand il est en forme, on se dit que Jannings a dû bouffer toute la place dans un élan de vanité trop voyant. Jannings gâche les émotions du film, qui auraient pu être nombreuses : un portier tout fier dans sa belle livrée à boutons d'or qui se fait virer comme un malpropre et cache à sa famille sa déchéance, il y avait de quoi faire pleurer dans les chaumières. Mais le film est infiniment long, étirant ses séquences jusqu'à l'insupportable, filmant sans cesse le vide : si un personnage sort, la caméra reste encore 16 minutes sur la porte fermée ; s'il doit traverser la rue, il met un an et demi à le faire ; le moindre geste donne lieu à 40 plans sur le visage, les mains, re-le visage, re-les mains, le décor, re-re-le visage... On comprend que Murnau a voulu compenser l'ambitieuse absence d'intertitres (il n'y en a qu'un !) par une expressivité renforcée ; mais ça donne des longueurs impossibles.

der-letzte-mann
Que dire enfin de la dernière scène, renversement de situation à l'arrache, qui semble rajoutée à la dernière minute, et qui là aussi est beaucoup trop lente : 20 minutes où on voit Jannings manger, au secours. Murnau a voulu visiblement terminer sur une note gaie alors que tout son film est une tragédie terrible, il a bien eu tort. Ca finit d'enfoncer la chose vers l'hésitation, l'errance et l'incompréhension. Murnau garde bien entendu toute mon admiration (essayez de dire du mal de Tabou, pour voir), mais pour le coup, je ne suivrai pas l'engouement général.

Commentaires
M
Alors moi je pousse à la charrue avec notre illustre Marvejolais ! Visuellement magnifique, le bousin, ok. Truffé de plans qui te mettent sur le hu-c, de travellings virevousseux, et tout, et tout,.. mais qu'est-ce que ça traaaaaaaaaaaaîîîîîîînnnneeeeuuhhhh !!! Et vas-y que j'te fasse durer ce plan-ci de l'ouverture de l'armoire neuf plombes un quart, et vas que j't'étire cette scène-là du ramassage de serpillère dans les gogues cent-quarante-quatre secondes de plus, juste histoire de... on finit par ne plus s'en tamponner pour un sou, de tout ce qui se passe, et la démo visuelle elle-même lasse à force. Quand les voisins gossipètent de bouche à oreille sur le nouveau taf du big Jannings, Murnau a besoin de 144 gros yeux et 927 rictus pour nous le montrer... quelle fatigue ! On a quand même connu le grand Friedrich plus nuancé et intelligent que ça, non ?! Faut dire que l'Emil y est pour beaucoup dans ce spectacle usant: on aurait dû le plaindre, on a juste envie de lui filer talmouse sur talmouse quand on le voit recourir à toute la databank de grimaces et de roulements d'yeux pour nous exposer son calvaire. Je retourne m'émerveiller devant L'aurore et Nosferatu une tantième fois ..!
Répondre
M
Je me joins à MadrOx. Rien que pour son début éblouissant, tourbillonnant, époustouflant ( la pluie, le vent, les rotations du tambour, parapluies, les lumières de la ville dilatées par l'eau, le rythme du montage autour de ces éléments...) ce film majestueux mérite chapeau bas. <br /> <br /> Vrai pour la fin: ce n'est pas celle choisie par Murnau. <br /> <br /> Mais, who cares !<br /> <br /> Tout le reste est tellement somptueux...
Répondre
G
Oui, je sais, je pense que je suis passé à côté de trucs. Mais en même temps, j'ai fait des efforts : je l'ai vu en entier ou en partie au moins 10 fois. Je n'aime toujours pas, il fallait que je fasse mon coming-out à force.<br /> <br /> Quant à la fin, ça ne m'étonne pas : elle est vraiment ajoutée à la va comme j'te pousse. Mais peu me chaut des conditions d'icelle : je dis juste qu'elle est mauvaise.<br /> <br /> Merci de votre défense murnalienne, Madr0x.
Répondre
M
Je vous trouve bien injuste envers le film de Murnau qui reste éclatant de modernité, on est en 1924 quand même ! et il y a peu d’œuvre comparable à l'époque et surtout si mes souvenirs de lectures sont bons la fin du film qui parait très artificielle n'est pas due à Murnau mais aux studios UFA qui voulaient une fin heureuse, ce qui entraine la présence du seule intertitre du film pour expliquer ce happyend invraisemblable.
Répondre
Derniers commentaires
Cycles
Ecrivains