La Légende de Zatoichi (vol. 5) : Voyage sans Repos (Zatôichi kenka-tabi) (1963) de Kimiyoshi Yasuda
On est rarement déçu avec les Zatoichi, clair. Cette fois-ci c'est Kimiyoshi Yasuda qui s'y colle (il réalisera plusieurs épisodes de la série, dont le 25ème) et qui nous narre les aventures de notre masseur jamais tranquille ; il prend sous son aile une jeune fille esseulée qui doit se rendre à Edo (la poupée de porcelaine Shiho Fujimura as Mitsu) et se retrouve une nouvelle fois avec la moitié de la terre à ses trousses (deux clans, qui veulent son ralliement, se le disputent, le chef d'une compagnie de pousse-pousse, une femme chafouine (elle retourne sa veste avec le vent...) et un samouraï opportuniste). Zatoichi n'en finit pas de se marrer (son petit rire goguenard, genre vous me prenez pour un con d'aveugle mais vous allez pourtant tous finir embrochés comme pour une barbecue party) et dégaine plus que jamais à la vitesse de la lumière - en prenant toujours ensuite la pause, sobre. Yasuda filme aussi bien cette belle nature nippone qui frémit (mais à peine le temps de filmer une petite libellule que des mécréants vous assaillent : toujours rester à l'affût, c'est le mot d'ordre dans ce monde de brutes...) que ces scènes d'intérieur nocturnes où des âmes malfaisantes concoctent et complotent de sombres projets. Zatoichi n'est jamais le dernier pour faire montre de son adresse au sabre (et hop une bougie que je te coupe à la verticale, et hop une pomme qui subit le même sort), n'est jamais manchot pour remettre en place les vertèbres d'un usurpateur (tu en veux à Zatoichi ? Nan, nan, promis ! Tiens prends toi mon pouce dans les lombaires) mais se montre aussi ici particulièrement vénère quand on n'abuse de sa confiance (ce seront cette fois-ci en particulier les femmes qui en feront les frais (il les bouscule ou les gronde un peu, c'est un gentleman hein...), l'une pour avoir fomenté dans son dos, l'autre pour s'être défié : heureusement, il n'est point rancunier avec la gente féminine). Bref, il a encore fort à faire sur la route...
Zatoichi se rit donc souvent de cette humanité qui pense pouvoir abuser à la première occase d'un handicapé, qui se sent forte dès qu'elle est en groupe, qui tente d'acheter son prochain (au plus bas prix) comme s'il s'agissait d'un ovin, qui ne cherche qu'à prendre le pouvoir à tout prix. Les deux clans qui réclament ses talents se valent : la bassesse de l'un égale celle de l'autre (quand il s'agit de vouloir kidnapper une femme faible ou acheter un homme) un peu comme si deux chefs d'un même parti étaient prêts à traîner leurs valeurs dans la boue pour attirer les voix d'un gars de la Marine. L'humanité est pathétique et Zatoichi, comme le rappelle la belle séquence en ouverture, est celui qui voit dans le noir... Ils seront légion à subir son courroux et à finir yeux exorbités, bouche ouverte et sternum tranché... dans un râle. Notre gars Zatoichi n'est pas pour autant qu'une machine de guerre et il faut le voir presser contre son coeur cette boursiquette appartenant à Mitsu pour comprendre à quel point cela lui fend l'âme de mener cette vie en solitaire. Tranchant et touchant. La légende est bien en route...