Paulette de Jérôme Enrico - 2013
Je n'ai pas osé avouer à mon camarade Shang que j'étais allé voir ce film... Vais-je oser écrire ici noir sur blanc qu'il m'a plutôt plu ? Il est temps, je crois, de faire mon coming out : j'ai apprécié Paulette, comédie sociale à la française avec Dominique Lavanant et Bernadette Lafont (RIP), oui. Je tiens ici à m'en excuser auprès des habitués de ce blog.
Mis en scène à la truelle, écrit au stabilo, rythmé comme un épisode de Julie Lescaut, ce film est pourtant sauvé par ses acteurs. A commencer par Lafont, vraiment convaincante en mamie raciste qui va devenir la dealeuse star du quartier chaud où elle réside. Sa foi dans son personnage et sa façon de l'interpréter sans l'ombre d'un jugement ou d'un second degré font de son jeu un exemple de finesse. Il n'était pas facile de tirer quelque chose de ces situations caricaturales et de cette écriture vraiment schématique : elle s'en sort plus que bien. Du coup, son jeu qui ne pose jamais pour la galerie, donne au personnage une épaisseur troublante : qu'elle balance une réplique affreusement raciste ou qu'elle se découvre une soudaine tendresse pour son petit-fils noir (on voit la subtilité des situations), elle se hisse toujours la tête hors du naufrage. Ses partenaires semblent eux aussi touchés par la grâce, de Françoise Bertin (très drôle dans une sorte d'ersatz de ce qu'aurait pu faire Toto à une époque) à Jean-Baptiste Anoumon (dans le rôle le plus casse-gueule du film, celui du Noir de service qui rigole aux sorties xénophobes de sa belle-mère). Sans eux, ou en les remplaçant par exemple par Kad Mehrad et Franck Dubosc, le film aurait été immonde ; grâce à eux, on rit gentiment aux petites saynètes sans prétention, et on constate que Jérôme Enrico, à défaut de savoir faire du cinéma, sait au moins regarder ses acteurs et les aimer.
Toutes proportions gardées, on a même parfois l'impression que le film vise une portée politique cachée à la Ken Loach, s'intéressant au plus petit pour parler du plus grand, filmant le quotidien pour exprimer une situation sociale ample et problématique. Solitude et pauvreté du troisième âge, problème de la petite délinquence dans les quartiers... ça ne va pas plus loin qu'un dialogue de comptoir, mais ça a au moins le mérite de parler de ces choses sérieuses sous des couverts de comédie légère. Au final, écrivons la critique la plus engagée qui soit : Paulette n'est pas un film raté. Conspuations attendues en commentaires.