L’Amazone aux Yeux verts (Tall in the Saddle) (1944) d’Edwin L. Marin
Dès le générique de la R.K.O (un clin d’oeil à l’ami Ba****n perdu dans les brumes du Huangpu), on est tout frétillant. Un western avec John Wayne (un western sur deux est avec John Wayne) et la sublime Ella Raines ? Oh, oh, ça se présente bien… On est dans du classique de chez classique au niveau du scénar : un homme débarque dans une petite ville, il y a eu des personnes lâchement assassinées, une atmosphère de magouille flotte sur la ville - il n’y a qu’à voir la tronche des seconds couteaux du shérif au juge -, notre nouvel arrivant devrait y mettre bon ordre… John Wayne n’a en effet pas l’habitude de se faire marcher sur les pieds, même si cette fois-ci sa carapace va être mise à rude épreuve. Ce n’est pas tant les multiples situations dangereuses (se retrouver aux côtés d’un cocher mi fou mi saoûl qui mène sa diligence comme sur le circuit de Monaco), les diverses bastons (ça cogne dru) ou les provocations en duel qui lui font peur… Nan. Notre homme va être quelque peu secoué par cette fameuse amazone aux yeux verts - la France et l’art des titres de série B… - qui va plus d’une fois venir à bout de sa patience voire de sa résistance…
Il y a en effet plusieurs confrontations entre John et Wayne qui valent leur pesant de plomb… La première fois que celle-ci surgit à cheval pour s’imposer devant un John Wayne qui marche à la coule dans ce bled du far-west, qu’elle le menace (il a eu maille à partir avec le frère de la donzelle) puis qu’elle fait feu sur lui avec des balles qui passent à ça du John, notre homme est loin de faire le malin ; c’est bien la première fois que je vois notre John aussi vidé (…) par l’émotion, un John qui va immédiatement se rendre au comptoir du saloon pour s’enquiller un ptit remontant… Un autre face-à-face entre nos deux individus est encore plus tendu et chaud comme la braise. Cette fois-ci la furie Ella dégaine un couteau qui passe une nouvelle fois à deux poils de moustache du grand Wayne : ce dernier se retourne la bouche tordue par la surprise et la colère, il s’approche d’elle d’un pas décidé (superbe séquence du gars Marin montée avec un grand sens du timing), on pense qu’il va lui donner la fessée de sa vie, il s’en saisit, et hop, le John craque en fondant sur ses lèvres… C’est plutôt inattendu car l’ami John n’a d’yeux jusqu’alors que pour la kind Audrey Long qu’il préfère semble-t-il à la wild Ella Raines… Cette dernière, qui n’a décidément pas froid aux yeux, va se faire d’ailleurs une joie et un devoir de dire sans ambages à cette jeune femme bien sous tout rapport ce qui s’est passé entre elle et John : ce dernier en reste d’ailleurs sans voix, subjugué de se voir griller de la sorte…
Si les scènes entre Wayne et Raines pimentent la chose, reconnaissons que l’ensemble de l’œuvre est vraiment tout aussi « fun », l’intrigue (Qui est le méchant qui tire vraiment les ficelles ?...) étant digne d’un polar, les rebondissements moult et les scènes d’actions au diapason. De Bond (Ward) à Long (Audrey) en passant par l’inénarrable George « Gaby » Hayes (son numéro de vieux saoulard avec son acolyte alcoolique aussi hirsute et starbé que lui flirte avec le grotesque, voire frôle l’absurde - lorsqu’il annonce qu’une femme avec un balai dans le cul n’a po de jambes…), le casting est vraiment aux petits oignons et on se régale pendant 80 minutes à la vision de ce western de « série B » qui sort du lot. Le western a aussi ses petites perles enfouies au fin fond du désert. Marin, mon bon Marin.
Go old west, here