Foxfire, Confessions d'un gang de Filles (Foxfire) de Laurent Cantet - 2013
On a connu Laurent Cantet plus mordant que dans cette gentillette chronique pastel d'une jeunesse féminine dans les années 50. On s'attendait au mieux à un âpre thriller, ou au moins à un truc évanescent à la Virgin Suicides ; foin : en lieu et place, on a droit à un respectable mais morne film vaguement policier, vaguement social, vaguement psychologique, mais jamais assez tout ça pour vraiment prendre chair.
Dans l'Amérique puritaine et sclérosée des 50's, on assiste à la naissance ex nihilo d'un gang de filles, mené par l'impressionnante et radicale Legs (Raven Adamson, très bien choisie). De petites insolences sans conséquences (peindre des signes cabalistiques sur le mur du lycée, insulter un prof), les belles vont bientôt passer à des larcins de plus grande envergure, dirigés pour l'essentiel contre la domination masculine. Les filles usent de leurs charmes pour dépouiller les vieux beaux, c'est glorieux mais aussi bien dangereux. Bien sûr il y aura l'acte de trop, et tout le lot de trahisons, renoncements, disputes, etc., attaché à ce genre de scénario. Ce qui importe plus à Cantet, comme dans certains de ses films passés, c'est de filmer une communauté soudée, opaque, mystérieuse, avec ses rites et ses codes, et tenter de nous y immerger tout en en conservant le mystère. Ce fut un collège jadis, c'est ce groupuscule de filles adolescentes ici, et c'est assez réussi. Le groupe fonctionne, surtout grâce au talent des comédiennes, mais aussi grâce à l'immersion totale de la caméra au sein de son quotidien. On suit pas à pas, (trop) longuement, les évolutions pour le meilleur et pour le pire de ce gang un peu bancal et un peu dangereux à la fois. Ce n'est pas inintéressant, c'est vrai, surtout quand tout ça se teinte d'un féminisme rendu d'autant plus courageux qu'il se situe dans les maudites années 50. On suit sans problème les aventures de ces nanas modernes et assez marrantes, en attendant que les catastrophes inévitables leur tombent sur le paletot.
Mais si le groupe fonctionne, le film échoue à rendre les individus attachants. Les filles, prises dans leur individualité, sont caricaturales : l'intello, la timide, la fatale, la méchante... On dirait les 7 nains. Du coup, on a l'impression d'avancer en milieu déjà connu, sans surprise, et c'est bien le cas jusqu'à la fin. De plus, trop préoccupé par la véracité de son récit, par la beauté toute hollywoodienne de ses lumières et de ses costumes, par sa fascination pour ses jeunes actrices, Cantet en oublie l'essentiel, qu'il avait pourtant atteint avec Entre les Murs : la sève, l'énergie. Son film est presque morbide, alors qu'il filme la jeunesse dans sa rebellion. Il rate complètement son sujet, du coup, et on s'ennuie un peu de voir s'agiter des ombres de personnages déjà filmés comme des adultes. Comme c'est en plus trop long, comme c'est assez hésitant dans l'écriture (des points de vue qui se brouillent, alors que l'histoire est censée être racontée par une seule des membres du groupe), on se dit que Cantet s'est payé une escapade américaine un peu vaine, pas vraiment nécessaire, et manquant clairement d'urgence.