Orgissimo (Beyond the Valley of the Dolls) (1970) de Russ Meyer
C'est à la mort de Roger Ebert (le César de la critique de films ou l'homme au pouce - rarement été d'accord avec lui, soit dit en passant, si ce n'est sur Herzog... mais bon, hommage quand même, hein) et à nos amis de KG que l'on doit l'entrée de Russ Meyer dans Shangols (après Mocky, l'année s'annonce festive). Vous voulez du queer, en voilà, et si l'ami Gols a jeté son dévolu sur Almodovar, le gars Shang se la joue plus facile : dans Meyer y'a du queer mais surtout des paires de seins (le critère de sélection des actrices, je vois que ça) qui donneraient le tournis à un veau (et je dis cela avec beaucoup de respect dans la voix). Alors oui, sinon, hein, ce film ? Ah ben mes braves, ce sont les seventies, l'époque où les cheveux poussaient avec la même démesure que les plants de cannabis, où tout le monde couchait avec tout le monde (sauf mon père), où le rock glam partait en vrille, où Mir couleur a explosé... Nous sommes en plus au coeur de Hollywood, dans le monde, forcément, du show biz et ça baise dans tous les coins même sous la moquette, ça parle de gros sous, ça couche à droite à gauche mais surtout à gauche, ça regrette, ça dégénère, ça flingue, ça tragédise puis ça fraternise au final because beyond the valley of the dolls you are not so far from being over the rainbow - j'imagine même pas ce que donnerait la traduction. C'est un peu maigre, jeune homme, et ces seins sinon ? Attention, tentons de prendre un poil de recul.
C'est vrai que dès le départ, vu le tournant que prend la chose (après un générique plutôt scary, on se retrouve à devoir écouter des morceaux de musique non musicaux et surtout à devoir se taper des tas d'abrutis qui dandinent des hanches de façon pas normale), on se demande s'il faudra simplement en rire ou vraiment en pleurer. On prend le parti d'en rire parce qu'on est quand même un joyeux luron cinéphile et... qu'on aime les fortes poitrines - me souffle mesquinement une personne à l'oreille ; oui, bon, si on veut... On se contrefout de ces histoires de cul super-vicieuses (mmmh...), de ces règlements de compte entre mâles vexés, de ces personnages habillés avec la panoplie de Canard WC, de ces questions d'héritage à deux sesterces... Mais on regarde tout de même la chose d'un oeil chafouin, respectant techniquement le beau travail de montage du gars Russ (jamais avare de plans) et sex and rock'n'rollement ce vrai bordel multicolore qui ne s'arrête jamais : Meyer charge les pipes qui font rire à ras bord, prouve qu'en 70 on était déjà prêts pour le mariage pour tous ("à quand le mariage entre objets ?" ai-je pu entendre dire quelque part : putain, franchement, le monde va mal...), en rajoute des tonnes dans le tragico-grotesque (un homme déguisé en superwoman qui, en plein délire, se prend pour un chevalier de la table ronde et coupe la tête d'un éphèbe déguisé en Tarzan - sobre costume, certes -, c'est quand même pas de la gnognotte - peut aller se rhabiller, l'Almodovar, dans le kitsch)... Histoire quand même de donner un sens à ce bazar (on ne sait plus depuis longtemps si on est dans l'ironie acerbe ou dans le délire brut), une voix off vient sur le fil balancer sa petite morale sur chaque personnage (l'égoïsme ne paye point, l'amour si - je vous résume, si jamais vous n'aimez pas les fortes poitrines) et on se dit que ce Russ était tout de même en son genre un vrai déjanté vintage qui savait choisir ses actrices sur leur beauté intérieure... A ptite dose, of course, dit-il à dessein. Mais je reprendrai bien de ces gélules rouges qui permettent de voir le film en 3D.