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15 mars 2013

No de Pablo Larraín - 2013

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Un film politique absolument passionnant, qui pose les bonnes questions et se garde bien d'y répondre par le consensus : voilà une sorte d'anti-Argo, qui prend ses spectateurs pour des adultes plutôt que de leur expliquer tout ce qu'ils doivent penser. Ca se passe au Chili, au moment où Pinochet, sous la pression, est contraint de proposer un référendum (gagné d'avance, a priori) pour savoir si oui ou non il doit rester au pouvoir ; le bon vieux dictateur octroie royalement 15 mn par jour de présence télévisée aux partisans du "Non" ; le héros du film, Saavedra (joué par le parfait Gael Garcia Bernal, d'une sobriété impeccable) est le publicitaire chargé de ces 15 minutes hebdomadaires, et va monter une campagne de pub héritée de ses clips pour les sodas ou pour les séries à bimbos. Contre l'avis des vieux de la vieille victimes des exactions de Pinochet, et qui voudraient montrer les tortures et les horreurs, lui prône une campagne fun et colorée, placée sous le signe de la joie... On suit les aléas de cette aventure jusqu'au jugement final.

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Le suspense est non seulement total, l'humour est non seulement omniprésent, la construction dramatique est non seulement d'une rigueur implacable, mais surtout le personnage opaque et trouble de Saavedra pose de vraies questions d'éthique : certes, la cause qu'il défend est noble et juste, mais les moyens qu'il emploie pour la faire passer doivent tout à la pire des propagandes ; d'autre part, il est loin d'être net au niveau de ses convictions, et on a l'impression qu'il se serait battu aussi bien s'il avait été engagé par les partisans du "Oui". Le filme surfe avec audace sur ce fil tout d'ambiguité, et interroge le fondement de nos convictions politiques. Enfin un film qui ne fait pas de la politique béatement, avec de bons sentiments, mais qui ose se frotter à de vrais questionnements : pour faire gagner une cause, aussi noble soit-elle, il faut en passer par des choses pas très glorieuses ; pour faire gagner un candidat, il faut savoir en faire un produit de consommation, savoir le vendre. Le film se fout de la gueule de ces publicistes pleins de tics (le trucs de Saavedra est de faire apparaître un mime dans tous ses films, c'est hilarant), sans morale et isolé du monde (splendide séquence où Bernal et son fils errent comme des étrangers au milieu de la liesse populaire) ; mais il se fout aussi de celles de ces bien-pensants oecuméniques brandissant leurs idées de gauche comme des étendards (très marrante scène genre "We are the World" qui convoque tous les chanteurs à la mode). Pourtant ça n'est jamais cynique, c'est toujours touchant, humain, et palpitant. Peut-être parce que tout est vrai, peut-être parce que Larraìn aime ses personnages, tous ses personnages, y compris le très intéressant alter-ego du héros qui, lui, est engagé pour le "Oui".

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Sur la forme, c'est vrai que ça pêche un peu, à cause de cette curieuse idée de tout filmer comme s'il s'agissait d'un film chilien des années 80. L'image est super moche, du coup, et les scènes qui pourraient être spectaculaires (toute la fin) sont floues comme si on avait filmé un écran de télé avec une vieille caméra vidéo. Mais la mise en scène parvient quand même à être très belle, par cette façon de serrer au plus près les personnages, pour rendre palpables l'intimité et le secret des échanges. L'essentiel du film est constitué de scènes dialoguées, mais on ne s'ennuie pas une seconde, grâce à la tension que Larraìn sait instiller là-dedans. En tout cas, il met toujours en avant l'individu avant la foule, la réflexion avant le sentiment (même si le moment où le héros découvre que le nouveau copain de son ex-femme porte le T-shirt arc-en-ciel symbole de la campagne qu'il a inventée est sidérant), la vérité avant le spectacle, autre façon, finalement, de faire de la politique. Premier grand film de l'année, pour moi.

Commentaires
S
Oui, je trouvais ça un peu réac dans le sens où ça me semble s'inscrire plus ou moins dans un courant de pensée à la Pascal Bruckner, sur "l'euphorie perpétuelle" érigée en modèle sociétal à travers l'image (et aussi tous les écrits de Kundera sur le kitsch, etc.)<br /> <br /> Il y a un petit côté "critique de la médiocrité démocratique". J'ai le sentiment que les méthodes de communication de la dictature et de la démocratie sont jugées sur le même plan, avec autant de sévérité.
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G
Exactement. Le film est très cynique, je trouve, assez amer : on n'est parvenu à la "démocratie" qu'en utilisant des outils populistes. Je ne trouve malheureusement pas ça réac, pour ma part, mais réaliste, même si c'est terrible. Une sorte de contre-utopie, quoi. Content que ça vous ait plu, Sophie.
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S
Totalement conquise aussi, même si j'ai trouvé le ton du film beaucoup plus sombre, voire un peu réac ? (l'idée que tout ceci "s'inscrit totalement dans le contexte social actuel"). La conclusion qu'on en retire, c'est finalement que le rassemblement du peuple aura été fondé sur la niaiserie, la célébration candide de la vie et une joie imbécile frisant l'hébétude (plutôt que sur la compassion réfléchie et le réveil des consciences). C'est terrible, au fond (d'où la réjouissance en demi-teinte du héros à la fin ?)
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