Ted de Seth MacFarlane - 2012

Petite plongée en régression avec cette comédie américaine dans la veine des Apatow movies, ça faisait longtemps. Pour traiter l'éternel sujet de ce genre de cinéma (les conflits entre son enfance et les responsabilités de l'âge adulte), MacFarlane choisit le premier degré : le héros du film est un adulescent qui a du mal à devenir grand, d'autant qu'il est flanqué de l'objet-totem de référence : un ours en peluche, celui-ci ayant la particularité de s'exprimer comme tout un chacun. C'est la bonne idée de départ : Ted l'ours a grandi avec son maître, en a acquis les références culturelles (regarder en boucle Flash Gordon, faire n'importe quoi dans les soirées et reluquer les filles), devenant une sorte de miroir concret du passé de John. Ce dernier est donc affublé de son enfance elle-même, d'autant plus difficile à mâcher qu'elle est très sympathique : Ted fume des bongs, balance trois vannes par seconde, fuit le travail et déteste les responsabilités, ce qui en fait un copain très valable.

John est donc pris entre cet ours marrant et la bimbo qu'il rêve d'épouser et qui, bien sûr, lui demande de construire une vie d'adulte loin de Flash Gordon et de son pote poilu. Comment notre héros va-t-il gérer cet écartellement ? Gentiment symbolique on le voit, le film ne va jamais assez loin dans cette piste-là. Il veut bien évoquer des choses intelligentes, mais il importe avant tout de nous faire rigoler, et il n'y parvient que de temps en temps. Quand il se laisse aller à la vraie provocation, il est vraiment bon : un ours qui mime une éjac faciale avec des distributeurs de savon pour séduire une blonde, un ado qu'on assomme d'un pain monstrueux, un gars qui abrège un rendez-vous amoureux parce qu'il a trop envie de péter... oui, ça n'est pas de la dentelle du Puy-en-Velay, mais ça marche. Dans les petits gags d'une ligne, c'est super. Mais dès que MacFarlane s'embarque dans des scènes de comédie plus longues (la fête avec Flash Gordon qui vire au délire), c'est vraiment moins réussi, assez poussif, mal rythmé et pour tout dire pas super drôle (le voisin chinois, les blagues racistes de Ted...). L'ensemble est donc assez bancal, on passe de sommets en crevasses.

Et puis, comme toujours, le film est gâché par une fin réactionnaire et consensuelle. Bizarre comme ces jeunes cinéastes de comédie sont conventionnels et moralistes sous leurs airs de gentils punks. Ici, c'est l'éternel retour à la case "mariage hétérosexuel et procréation obligatoire", on rentre sagement au foyer conjugal en tentant de renier son enfance, et tout le monde est content dans la paix du Seigneur. On aurait aimé que, pour une fois, ça dérape, que la jeune première à gros seins et à responsabilités soit renvoyée à son missel, et que John et son ours ouvrent une boîte à partouze. Tant pis, on aura quand même bien rigolé parfois dans ce film trop long, trop hétérogène (et hétéronormé), mais sympathique.