In another Country (2012) de Hong Sang-Soo
Une Isabelle Huppert en Corée, trois possibilités… ou plus encore. Hong Sang-Soo nous entraine dans son jardin (secret) aux sentiers qui bifurquent, dans lequel une poignée de personnages, smoking or no smoking, ne cessent de s’entrecroiser. Trois histoires indépendantes (Huppert, réalisatrice française invitée chez des amis ; Huppert, femme d’un homme d’affaires à la recherche de son amant ; Huppert, lourdée, à la recherche de sa voie…) mais qui n’ont de cesse, par le biais de personnages jouant toujours le même rôle (une femme enceinte et son mari infidèle, la jeune propriétaire de l’hôtel, un maître-nageur…), par le biais d’objet (un téléphone portable égaré, une bouteille de soju brisée…) d’avoir de troublantes résonnances les unes avec les autres. Les histoires elles-mêmes (en particulier la deuxième) possèdent des « gouffres » (curieuses ellipses), des mini-récits déroutants (rêve dans le rêve…) mais l’on ne se perd jamais vraiment dans la trajectoire de ce personnage principal en quête de… en quête de… d’un phare…, en quête d’amour ou tout simplement de soi…
Rarement on aura vu Isabelle Huppert aussi à l’aise, d’une fraicheur et d’une candeur inouïe (je le dis rarement, même si cela fait peut-être douze fois que je l’écris - faut dire qu’elle a fait beaucoup de films la bougresse), comme si elle excellait dans l’univers de - grands - réalisateurs étrangers (Et Hal Hartley, je le place où ? Rhoo, ça va…). La petite française (ça lui fait quel âge maintenant, 27, 28 ans ?) speaks english not so well parmi ces Coréens who speak English more not so well (…) mais ce n’est pas pour autant que cela l’empêche de créer des liens - amicaux, amoureux, spirituels (?) - avec son entourage. Amie sans gêne, amante souvent peu farouche, petite souris trottant menue en quête « d’aventures » - dans tous les sens du terme -, l’Isabelle charme ses hôtes (surtout les mâles) coréens par sa beauté et sa franchise ; elle ne paye finalement que peu ses caprices et ses écarts (c’est mal de draguer un homme dont la femme est enceinte…), les critiques échangées en sa présence en coréen lui passant forcément au-dessus de la tête… Une femme indépendante… qui court à sa perte… ou non, à elle-même de savoir « se protéger » - une tente ou un simple parapluie pouvant servir éventuellement de refuge…
On retrouve les thématiques Hong Sang-Sooennes classiques - amours trahies, amours d’occase, amours éventuelles… -, les discussions arrosées au soju, les balades sur la plage, le hasard et les coïncidences des rencontres, mais il se dégage de cette œuvre une sorte d’apaisement (peu de grosses engueulades), de tranquillité, de légèreté (peu de « drame » si ce n’est la femme enceinte jalouse (à raison d’ailleurs)) qui lui donne un charme absolu… Si parfois on finissait par se perdre dans le labyrinthe scénaristique du Coréen en s’arrachant les cheveux (c’est qui lui, nom d’une pipe ?), on prend ici un plaisir évident à suivre chacun de ces petits sentiers qui s’achèvent parfois brusquement, chacune de ses multiples histoires qui se répondent en écho. Another beautiful movie du productif et inspiré (c’est là l’essentiel) HSS.