Proposta in quattro parti de Jean-Marie Straub & Danièle Huillet - 1985
Un petit montage sur la lutte des classes bricolé par le couple infernal pour la Rai : quatre séquences s'enchaînent, comme le titre l'indique. On a d'abord droit à un court-métrage de Griffith, A Corner in Wheat, montrant en quelques minutes fulgurantes la construction d'une spoliation en bonne et dûe forme. Un patron s'enrichit sur le dos des pauvres, qui crèvent la faim, déséquilibrant tout le système marchand mondial. La morale est pourtant sauve, puisque un de ces richards crèvera sous le flot de grains de blé qu'il a lui-même contribué à confisquer. Sur ces bases politiques solidement gauchistes (populistes aussi ? un peu...), on attaque la deuxième partie le poing levé. Voici une séquence de Moïse et Aaron des Straub, une autre façon de voir comment les dirigeants enculent le bas peuple : dans une allégorie savament pesée, à base de cruches pleines de sang qui se transforment en cruches pleines d'eau, les patrons entraînent à leur suite tout un peuple aux notes tonitruantes de Schönberg. On s'y perd un peu, on cherche le rapport entre les deux parties, mais on est confiants, on baisse un peu le poing parce que ça devient long, et zou, 3ème épisode.
C'est une séquence de Fortini Cani des mêmes Straub, composée essentiellement de panoramiques silencieux, se concluant au bout de 20 longues minutes par une petite considération politique sur, là encore, une nouvelle humiliation pour les pauvres. Bon, cette partie est tout de même assez chiante, on se perd complètement dans ce qu'on peut bien avoir envie de nous dire avec ces mouvements de caméras infinis, certes assez beaux (des paysages italiens, des grandes étendues de campagne, des petites habitations isolées, et ce son qui arrive par petites touches), mais aussi bien mystérieux pour qui n'est pas au jus (j'ai vu ce film il y a longtemps, et je n'y avais pas compris grand-chose à l'époque non plus, alors...). Là, le poing est définitivement baissé, on serre les dents, et on visionne la dernière partie parce qu'il faut bien boire la coupe jusqu'à la lie. Extrait cette fois du joli De la Nuée à la Résistance, et on respire : enfin un discours audible, frontal, sain, engagé sans fioritures. Un jeune homme s'interroge sur le but des Dieux, réclamant des sacrifices humains qui ne leur servent à rien ; un vieux lui répond par un parallèle avec le patronnat, comparant la canicule de jadis aux classe dirigeantes d'aujourd'hui, c'est la lutte finale ou alors je me trompe. La boucle est certes bouclée avec la partie-Griffith, mais on se demande pourquoi il a fallu en passer par les deux autres pour arriver là. Bon, en tout cas, c'est l'occasion de refaire un tour dans l'univers des Straub époque "mouvements de caméra", ce qui est déjà ça (chaque séquence en elle-même est belle et intéressante), et même si on en retire pas grand-chose, on est bien contents. Ou pas.
Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez