Noir Péché (Schwarze Sünd) de Jean-Marie Straub & Danièle Huillet - 1988
Ah moi j'étais à deux doigts de trouver que La Mort d'Empedocle, réalisé deux ans avant et durant déjà 8h20 (temps subjectif), se suffisait à lui-même. Les Straub, non : ils nous "offrent" donc une sorte de bonus avec ce Schwarze Sünd non moins radical que son prédecesseur. On retrouve avec un bonheur inneffable notre gars Empedocle, banni par les siens, toujours flanqué de son disciple légèrement homo sur les bords si vous voulez mon avis, vautré sur la terre. Le gars va mal, songe au suicide (en vers allemands, ce qui est le signe que ça va vraiment pas bien), refuse l'aide de son apôtre et lorgne le volcan dans lequel il va aller se jeter avec un oeil énamouré. Même l'arrivée d'un autre gusse, dont je n'ai pas réussi à deviner l'identité, n'y fera rien : il veut mourir. Quand Huillet elle-même vient faire son petit tour à l'écran, on finit par le comprendre un peu mieux, et par désirer de toutes ses forces qu'il en finisse une bonne fois : on s'ennuie à pleurer.
Hölderlin à nouveau, des gars quasi-immobiles en plans fixes au sein d'une nature venteuse à la lumière changeante, une diction découpée comme un chant : c'est le même modèle que pour La Mort d'Empedocle. Pourquoi alors ça ne fonctionne jamais, alors que le film précédent possédait de vrais élans romantiques ? Est-ce parce qu'on est moins bien luné, ou bien est-ce parce que ce film paraît un addendum inutile, fatigant, redondant au déjà éprouvant premier film ? En tout cas, on a le doigt proche du bouton "avance rapide", on soupire à ces ratiocinations empedoclesques incompréhensibles, et seuls les deux ou trois panoramiques inattendus nous sauvent du marasme complet : j'aime bien quand les Straub amènent subitement la respiration de ce mouvement de caméra, qui apparaît dans presque tous leurs films, et dans laquelle la parole prend tout son sens du fait même qu'elle se déroule hors-champ, remplacée par une contemplation lente et vaste de la nature. Il y a aussi la belle musique de Beethoven utilisée en vraie rythmique de la parole, et puis ces deux plans d'ouverture sur des oeuvres d'art dont on ne sait rien (les Straub sont un peu gavants, à force, avec leur conviction que leur culture érudite est partagée par tous, que leurs spectateurs n'ont qu'à avoir ce socle de savoir commun s'ils veulent apprécier leurs films : si tu n'as pas fait d'études en histoire de l'art, tu peux te rhabiller), et qui changent agréablement de l'ennui ambiant. A part ça, ma critique principale sera : aaaargh...
Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez