Je suis un Fugitif (They made me a Fugitive) (1947) de Cavalcanti

Il est toujours bon de découvrir un ptit film anglais de derrière les fagots qui tient joliment la route - même quand il est signé d'un réalisateur d'origine brésilienne - ah ?... Sur une histoire somme toute basique, Cavalcanti nous balade dans un London vintage et nous fait visiter une foultitude d’endroits qui donne tout son cachet à ce bon vieux film de genre. Au départ, il y a toujours un salop : Griffith Jones incarne Narcy (prononcez Narzzzi et vous ne serez pas loin de la vérité dans la forme et dans le fond) un type qui n’hésite jamais à faire des coups foireux à ses « associés » d’occase qui osent le contredire (Trevor Howard en fait les frais et se retrouve en tôle, pour quinze ans, pour le meurtre d’un flic qu’il n’a pas commis) ou à battre les jolies blondes qui  ne lui font pas entièrement confiance (Sally Gray is Sally et elle est plutôt bonasse). Trevor va bien sûr parvenir à s’échapper, faire ami-amie avec Miss Sally et tenter de faire tomber cet enfoiré de Narzzzi. Pas simple avec des fermiers anglais au train qui vous tirent dessus comme s’il s’agissait d’un vol de canards et les hommes de Scotland Yard… Ceux-ci ont d’ailleurs une sale tendance à mettre sous les verrous des innocents et à laisser courir la canaille (la vieille campagnarde qui profite du passage de Trevor alors en cavale pour dézinguer son alcoolo de mari et forcément accuser le forçat… Love is in the fields, my balls oui ; j’en profite pour poser une ptite devinette : quelle est la première chose que fait un fuyard anglais quand il trouve un refuge ? Non… Voyez vraiment po ?... Il prend une douche… Ultra hygiénique l’Anglais quand même… Rien à voir donc avec un Français qui se jetterait sur le premier saucisson à l’ail venu) mais ils savent aussi parfois, les flics, se montrer futés pour que les voyous s’annihilent…

Campagne anglaise prise dans le brouillard, trottoir londonien humide, c’est du grand classique  mais pour le même prix Cavalcanti nous propose une visite genre « all London in a plate » : un petit tour dans la prison de sa majesté, puis dans les bons vieux cabarets et leurs coulisses, le milieu interlope et ses troquets glauques, une incontournable salle de billard, un hangar désaffecté, une bonne chambre d’hôtel bien pourrie dans un quartier où les prostituées ont l’âge et le physique de mon ex-prof de science-nat (je ne vous fais pas l’insulte d’une photo), avec en prime un magnifique magasin de pompes funèbres : il s’agit ni plus ni moins de l’antre des bandits – sympa les cercueils pour dissimuler de la marchandise de black market – orné d’un magnifique toit sur lequel trône un immense RIP ; ce sera d’ailleurs le lieu du final, un final with a typical touch of black humour – les seconds couteaux qui se cachent dans les cercueils pour tendre une embuscade à notre Trevor, les inoffensives bouteilles de lait anglaises qui deviennent des armes plus efficaces que les flingues et j’en passe (beaucoup aimé également ces fights vintage qui sentent la sueur avec clé au bras qui font super mal  et coups du lapin qui fonctionnent en vrai…).

Atmosphère bien posée, joli sens du cadre, jeu d’acteurs convenable (pas mal la vieille matrone des voyous qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Bernadette Chirac : une Bernadette sans ses pièces jaunes pour survivre…) ;  même si on frôle la tentation mélodramatique sur la fin – on voit la limite du jeu de certains… -, Cavalcanti parvient à sauver les meubles en évitant an easy and obvious happy end… Bref, Shangols ne conchie pas tous les films d’outre-manche (ou d'outre-atlantique ? Roh ça va...) et aime à célébrer les cinéastes même quand ils ne mettent pas leur prénom au générique.