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12 mai 2012

Walk away Renee de Jonathan Caouette - 2012

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8 ans après le fulgurant Tarnation, notre camarade Jonathan Caouette tente le pari impossible : donner une suite au chef-d’œuvre, alors que celui-ci était fait uniquement d'images d'archives, dont il a épuisé tout le fond, sur son enfance. Pari qu'on sent, avant même d'entrer dans la salle, perdu d'avance, et que la vision vient confirmer malheureusement. On avait laissé le garçon prostré dans son histoire familiale insensée, mère schizophrène, grand-père lynchien, amours fluctuantes, mental en miettes suite à un joint pas net, tout tordu devant son film éclaté et insupportablement juste ; le revoilà aujourd'hui, plutôt rassuré avec la vie, étonnamment stable et adulte, certes affublé de quelques kilos en trop qui lui ont fait perdre le charisme incroyable qu'il avait jadis, mais ayant gagné indéniablement en maturité. Sa mère, toujours barrée, est allée de centre en centre, bourrée de médocs, et il décide, avant de l'emmener dans un énième asile, de lui donner un peu de bon temps ; hop, en route dans un camion pour faire un bout de pays ensemble, histoire de faire le point sur le passé et le présent. Mélange d'images du présent, mises en scène et filmées par une équipe extérieure, et d'images d'archives encore une fois, avec ce style pop, psychédélique et kitsch qui fait la grandeur de Tarnation, le film alterne les périodes comme les tons, le passé croisant le présent, la gravité croisant la légèreté.

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Il y a de très bons moments là-dedans. Quand on croit, par exemple, au début, que Caouette va nous réaliser un road-movie intime et géographique en même temps : images de chanteurs de rue joliment tournées, simple plaisir de filmer la cabine d'un camion, la route américaine, un territoire, et le cheminement personnel qui va avec. Ou quand l'amour pour sa mère éclate vraiment à l'écran : les dernières images, angéliques, et toutes les images d'archive où sa mère danse ou fait le pitre. Ça fait plaisir de constater à quel point le film est apaisé, malgré les problèmes, malgré les pics d'inquiétude qui jaillissent encore très souvent (les cris de sa mère dans la nuit, avec ce filmage à l'épaule complètement flou, rappellent des films d'horreur). Caouette est toujours aussi doué pour tordre les images, leur donner une patine warholienne, désuète, sans refuser une bonne part de mauvais goût (le montage affreux en images de synthèse pour expliciter une thèse fumeuse de monde parallèle raccordé au monde principal par un cordon ombilical ; on comprend la symbolique, mais la scène est esthétiquement une horreur). Quand Caouette se recolle au resurgissement du passé, à son travail sur la pellicule et l'écran, c'est superbe ; et il réussit aussi quelques séquences plus "fictionnelles", comme celle, absolument effrayante, où le grand-père et la mère jouent à la poupée.

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Mais malgré ces qualités, Walk Away Renee apparaît assez vite comme une impasse. Parce que Caouette n'est pas un bon "metteur en scène", et que le film est justement trop mis en scène. On préférait quand le gars était l'acteur-réalisateur-monteur-producteur de sa propre vie ; en filmant ici son voyage "vu de l'extérieur" (puisqu'une équipe technique est là pour filmer), il perd toute la puissance de son cinéma. On ne peut pas s’empêcher d'imaginer les bagnoles équipées de caméra qui suivent le camion du héros, et l'intimité s'en trouve balancée aux orties. Certaines séquences mettent le doute sur leur véracité, comme celles où il appelle tous les médecins pour avoir les médocs de sa mère : mal jouées, douteuses justement parce qu'elles sont trop préparées, trop propres en quelque sorte. Si Caouette voulait faire de sa mère une sorte de personnage de fiction, il a eu tort de laisser cette ambiguïté entre documentaire et fiction : en abandonnant le côté immédiat du premier, et en ratant un peu la deuxième, il laisse son film le cul entre deux chaises, utilisant même parfois sa famille comme sujets de laboratoire un peu gênants (les perruques dont il affuble systématiquement tout le monde, les nouvelles dents de maman...). Du coup, on s'ennuie souvent devant ces images sans profondeur et sans enjeu. On est ravis de faire la connaissance du petit ami et du fils de Jonathan, mais on se serait passé de ces images familiales sans intérêt, qui ressemblent fort à du remplissage. Le suspense du film (privée de ses médicaments, comment va réagir la mère ?) fait long feu, le montage en aller-retour entre passé et présent étant trop bancal pour vraiment construire une dramaturgie à l'ensemble. Tarnation restera comme un film unique et solitaire ; si Caouette veut continuer dans le cinéma, il devra à mon avis changer complètement d'angle.

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