LIVRE : L'Homme Chauve-souris (Flaggermusmannen) de Jo Nesbø - 1997
N'étant pas un gros amateur de polars, je ne connaissais pas encore ce Jo Nesbø, qui pourtant semble vendre des bouquins par quintaux. Heureuse découverte, donc, puisque le gars m'a bien passionné pour cette première enquête de l'inspecteur Harry Hole, alcoolo moyennement repenti envoyé en Australie pour y trouver un serial-killer glauque. Ni la trame elle-même, ni les personnages ne sont pourtant très originaux là-dedans ; même le héros semble à la limite du cliché, avec son passé trouble (il a tué un collègue par accident, comme dans Vertigo), son addiction incontrôlable et son flair épatant. Mais le talent de Nesbø réside dans les atmosphères, et dans cette façon unique d'ancrer son histoire dans un milieu, dans un pays. Les légendes australiennes font sans arrêt leur apparition au sein de l'enquête, dégageant des sens nouveaux ou des pistes possibles ; les us et coutumes des habitants, la politique du pays, son histoire, sont amenés avec subtilité dans la trame, jusqu'à la résolution finale. Très attentif à son contexte, très documenté sur le pays qu'il a choisi comme toile de fond, Nesbø gagne en crédibilité ce qu'il perd en originalité, et c'est tant mieux. L'écriture est en plus relativement dynamique, évitant les constructions inlassables du genre (un événement au début, rien pendant 300 pages, et on lâche les fauves à la fin) : ici, il relance habilement son action, très régulièrement, nous surprenant souvent par le comportement de son Hary Hole (bagarreur inconscient), faisant disparaître des personnages capitaux, et ne reculant pas devant un certain Grand-Guignol pour faire mourir ses pauvres victimes (l'idée de tuer au cours d'un spectacle de music-hall, comme dans Les 39 Marches). La fin est vraiment bien menée, surprenante et en même temps dans la tradition (l'idée d'utiliser un bâtiment célèbre pour y planter le climax du livre, comme dans La cinquième Colonne). Rien de révolutionnaire, non, je ne dis pas, mais un bien agréable moment mené en maître, solide et addictif. Notons aussi, je ne l'ai pas dit, que Nesbø semble avoir pris pas mal de leçons chez Hitchcock, ce qui le rend encore plus cher à mon cœur.