Nous avons gagné ce Soir (The Set-up) (1949) de Robert Wise
Un bon vieux petit classique du noir et de la boxe signé Wise avec un grand Robert Ryan en loser magnifique. 1h12 au compteur, c'est quasiment du temps réel, le temps d'une soirée, d'un combat, d'une histoire d'amour et d'un boxeur qui donnent du branle mais pour lequel encore tout est possible puisqu'on est à "Paradise city" et à "Dreambland" comme l'on peut lire sur les miteuses baraques du bled... L'histoire est simple comme un coup de trique : Stoker (Robert Ryan) est un boxeur sur la mauvaise pente (comme il semble l'avoir toujours été...), son coach s'est fait payer pour qu'il se couche mais n'a même pas pris la peine de prévenir le Bob, tant le gars est abonné aux défaites ; le couple de celui-ci a également du plomb dans l'aile et la chtite Audrey Totter, lasse des éternels espoirs de son homme, ne trouve même plus la force de venir le voir se prendre une raclée. Mais Stoker rime avec fier, pour le pire et le meilleur...
Un somptueux mouvement de caméra pour plonger dans le décor de cette ville poussiéreuse où subsiste encore quelques illusions... Seulement pour un jeune boxeur qui commence sa carrière pro par une victoire et un black pleine bourre sur le chemin de la gloire, il y a aussi son lot de "gueules cassées" : ceux qui rêvent après une série de défaites d'atteindre encore les sommets et qui sortent du ring inconscients, ceux qui se font prendre une pilée en deux rounds secs... L'atmosphère dans les coulisses du ring n'est quant à elle guère plus glorieuse entre le gars qui joue tout seul aux cartes et... triche contre lui-même et le vieux gars décatis qui rêve encore d'histoire d'amour... dans les livres. L'ambiance chez les spectateurs n'est po plus affriolante, chacun semblant venir pour se délecter de cette violence qui tourne au pugilat : les "tue-le" fusent et Wise nous présente, en parallèle au combat, une petite brochette de personnages relativement pathétiques - un aveugle qui prend un malin plaisir à apprendre que les boxeurs s'éborgnent (...), une femme entre deux âges qui devient une furie quand les hommes s'empoignent, un jeune gars qui se défoule par procuration en mimant chaque coup pris ou reçu, un énorme type bouffant et picolant qui consomme de la violence, un acharné de sport (autre consommateur) qui suit le combat l'oreille collé à la radio pour suivre un match... Bref, l'ensemble, on l'aura compris, n'est guère reluisant...
On donne du coup peu cher du Robert (de sa carrière, de ses amours) mais le vieux lion n'a pas encore complètement fini de rugir : un combat dantesque où l'on se rend coup pour coup, le Robert - même une fois mis au rencart par son coach de l'arrangement préalable - refusant de se coucher comme s'il livrait plus que jamais un combat contre lui-même. Il a tout à perdre, financièrement, en voulant remporter ce match, il a tout à gagner, humainement, moralement à aller jusqu'au bout... comme pour mettre un "poing d'honneur" à sa carrière. Il s'enferme du même coup lui-même dans une sorte de "toile d'araignée" (essayant de fuir, après le combat, le coach mafieux de son adversaire venu le piler, il y a ce magnifique plan où on le voit aux abois dans cette salle de boxe déserte), mais même s'il va finir par morfler sa mère, la partie n'est jamais jouée sur le tableau des sentiments. Noir, dur, piteux, pathétique mais une petite lueur d'espoir qui finit par faire briller cette perle noire. Victoire par K.O des deux Robert.
Noir c'est noir, c'est là