The plague Dogs (1982) de Martin Rosen
Ce dessin-animé vintage mettant en scène deux chien en cavale - ils s'échappent d'un labo où l'on fait des soi-disant test scientifiques, le pire métier pour moi après chauffeur de bus à Shanghai - risquait bien de mettre à mal mes réserves lacrymales. Eh ben po une larme, dis donc, même si un sentiment d'étrange tristesse émane de la chose, de ce combat plein de pugnacité mené par nos deux toutous pour survivre. Les dessins de ces landes irlandaise quasi désertiques et rocailleuses ne sont pas d'une gaieté folle mais l'animation en elle-même n'est en rien paresseuse : Rosen prend plaisir à jouer avec la profondeur de champ (ses flous, parfois, sur les collines au premier plan), les "mouvements de caméra" (ces lents panoramiques) et les angles de prise de vue (cette magnifique séquence en plongée dans la forêt) et réussit magistralement la cinétique de ce film cynophile (c'était tentant). Même s'il ne peut faire l'impasse sur l'anthropomorphisme (nos toutous parlent et échafaudent des plans futés), cet incroyable capacité à reproduire précisément leur mouvement, leur attitude parvient à leur préserver une vraie dimension animale...
Ils se conduisent malgré tout comme des humains en fuite, pourriez-vous me faire remarquer ? Eh bien j'allais dire, pour vous couper l'herbe sous le pied, qu'ils possèdent justement une humanité dont semblent justement dépourvue la plupart des humains - (une véritable chasse "à l'homme" est organisée sous prétexte non seulement qu'ils déciment moutons et volailles du coin (bah, presque rien) mais aussi du fait qu'ils seraient porteurs de la peste (que nenni)). Le joli tour de force de Rosen est de ne jamais nous montrer de visages humains (jouant uniquement sur les voix off avec des individus dans le champ (leurs jambes généralement) ou hors-champ) sauf une fois à la télé (qui n'est point la réalité...) ou lorsqu'ils sont morts : cela amplifie cette impression d'avoir à faire à des animaux "de chair et de sang" dans un monde quelque peu "désincarné émotionnellement" pour jouer sur les mots (rares sont les humains capables d'empathie envers ces pauvres "bêtes") ; on s'attache inexorablement à ce duo (le golden retriever qui a la phobie de l'eau, suite aux expériences menés sur lui, et ce clebs un peu "dérangé" - il a tendance à confondre parfois réalité et rêve (rêve d'avoir un maître, synonyme pour lui de sentiments et de tranquillité) suite à une opération du cerveau et a une fâcheuse tendance à provoquer des catastrophes), voire à ce trio puisque un renard s'allie à eux - futé, le renard, forcément, mais po si mauvais bougre. On serre des dents jusqu'au bout en espérant qu'ils ne seront point victime d'un carnage (des armées d'hommes sont à leur trousse), d'autant que Rosen n'hésite point tout du long à insérer quelques images "saignantes" - la mort des moutons, bah, mais aussi des hommes... Une petite pointe de suspense insoutenable dans ce film à la douce philosophie, dans ce monde de brutes où l'on mène une chienne de vie. Facilement trois ouarf de satisfaction.