New York Confidentiel (New York Confidential) (1955) de Russel Rouse
" - That's a pretty big drink for a little girl
- I'm afraid I'm not a little girl anymore, papa... "
Russel Rouse avait frappé fort avec l'excellentissime The Thief (film noir de 52... sans dialogue) et nous sert dans le genre encore un film de très bon calibre ; New York Confidential est un film extrêmement "nerveux" : cela grâce à ses deux acteurs principaux (la montagne Broderick Crawford et le toujours très bon Richard Conte) qui ont un débit à la mitraillette impressionnant, mais aussi grâce à un montage qui envoie du lourd : Russel Rouse n'est jamais un manchot pour jouer, tout d'abord, avec la profondeur de champ et la façon de placer les différents protagonistes dans son cadre avant de resserrer sur eux en gros plan ou en changeant constamment d'angles de prise de vue au sein d'une même scène (marrant aussi, pendant que j'y suis, cette façon de filmer "un peu basse" comme pour faire mieux "respirer" son cadre dans la partie supérieure); le truc fonctionne implacablement - surtout après s'être maté une petite série de polars un peu molle du genou... On suit donc le parcours d'un ponte d'un "syndicate" (= mafia) de New York, le couillu Charlie Lupo (Crawford) ; celui-ci possède plusieurs hommes de main mais il fait appel, pour régler un "problème" local, à un homme de Chicago : Nick Magellan (Conte). Comme ce dernier se montre particulièrement efficace et loyal, il va se faire un plaisir d'en faire son homme de confiance. Il a bien raison car Conte est un gars fidèle (entendez, il ne drague point la cocotte du boss), froid comme la mort (en nettoyeur, c'est un vrai Monsieur Propre), droit dans ses bottes (toujours partant pour donner de bons conseils). Certes, la fille de Lupo lui tape un peu dans l’œil mais, là encore, il sait raison garder. Bref, le type qui sait obéir aux ordres sans tergiverser, le seul problème dans l'histoire étant peut-être de savoir qui donne, finalement, les ordres...
Beaucoup de discussions qui fusent à défaut d'action mais comme il s'agit de montrer une "nouvelle race" de mafieux (ils ont pignon sur rue, côtoient des huiles et savent garder, généralement, "les mains propres"), on est prêt à marcher dans cette intrigue parfaitement huilée qui se déroule plus dans les bureaux qu'au niveau du pavé. Le seul gros problème de Lupo, dans un premier temps, semble être sa fille (trois générations sous un toit avec la mama qui se fait un sang d'encre à la moindre occase - jolie petite séquence au passage - photogramme ci-dessus - où Rouse joue là encore avec la profondeur de champ) qui crée quelques tensions dans la maisonnée : quand la petite fille gâtée se révolte contre son pater, elle se mange des baffes (au niveau des claques, ça vole, on se croirait presque chez les Romains...), quand elle se barre du foyer, le pater se morfond. Conte semble surtout là pour arrondir les angles, veillant aussi bien sur la fifille, dans le dos de son boss, que sur les sous-fifres mafieux qui prennent le melon (faut po venir embêter Conte, il se venge plus rapidement que Zorro). L'histoire file à un bon rythme jusqu'à l'heure de jeu, jusqu'à ce que de plus gros ennuis retombent sur les épaules de Lupo : un ponte doit disparaître, ses hommes de mains s'en chargent, merdoient, l'un se rend chez le juge pour sauver sa tête et c'est le début d'un engrenage destructeur : si un tueur parle et livre son chef à la Justice, ce dernier pourrait être tenté d'en faire autant et de livrer ses supérieurs... et dans ce cas-là, le syndicate national n'est pas vraiment du genre à prendre des risques : toujours couper le mal "à la racine" au cas où il pourrait remonter.
C'est parfaitement mené, les dialogues envoient souvent du bois (bien aimé cette petite réplique de Conte à la "dame" de son boss qui lui fait méchamment du rentre-dedans : "You're a beautiful dame, Iris (Marilyn Maxwell). One of the best i've seen and you treat me like it was Christmas Eve. But no thanks. I see through you like those soft dresses that you wear..."), les gorettes sont souvent sexy en diable et méchamment directes (la palme à cette gonzesse en soirée qui semble avoir mis tous ses neurones dans son buste - et c'est, en l'occurrence, plutôt un compliment - vu le buste...) et Rouse sait nous servir un final qui fait honneur au genre. Noir c'est noir, c'est comme ça que je le vois en tout cas. Cela donne envie de tomber dans The Well, premier film de Rouse (et cosigné avec Popkin). Hum, hum...