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9 avril 2012

Elena (Елена) (2012) d'Andrei Zvyagintsev

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On ne s'attendait pas vraiment à ce que Zvyagintsev, pour son troisième film, nous fasse presque penser à du Haneke. Film clinique, aussi froid que les cris des corbeaux qui ouvrent le film, Elena nous donne à voir le portrait d'une Russie (d'un monde ?... guère pu m'empêcher personnellement de penser à la Chine...) qui fait frissonner l'échine. Nadezhda Markina (Elena) porte le film sur ses épaules et endosse le rôle d'un personnage qui se révèle prêt à tout pour aider les "siens" ; l'intrigue tient en deux lignes : remariée depuis deux ans avec un homme riche (qui a bien, au demeurant, quinze ans de plus qu'elle), elle le titille pour qu'il aide financièrement son branleur de fils et de petit fils (son fils semble résolument incapable de prendre en charge sa propre famille, famille qui vient pour la peine de s'agrandir d'un ptit dernier - apparemment encore un "accident") ; elle reproche au passage à son vieux mari de pourrir sa propre fille (qu'il a eue d'un précédent mariage) qui, au demeurant, n'est guère reconnaissante... Jusqu'où Elena est-elle prête à aller pour obtenir gain de cause ?

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Un décor quasi apocalyptique (ces trois magnifiques cheminées de centrale nucléaire qui dominent les cages à lapin où vit le fils d'Elena...), un extérieur qui tranche avec le côté cossu et nickel de l'appart d'Elena, sert "d'écrin" à cette véritable tragédie d'une noirceur "corbeau". Il est clair que l'ambiance générale n'est guère olé olé : Elena rend visite de temps en temps à son fils (les bras chargés de courses et avec un ptit pactole de billets) mais celui-ci, que la vision des billets déride juste cinq secondes, ne se montre guère chaleureux - c'est le moins qu'on puisse dire (il préfère jouer aux jeux vidéo avec son propre branleur de fils que de lui tenir compagnie) ; le mari d'Elena est victime d'une crise cardiaque qui le laisse forcément patraque ; quant à la fille d'Elena, même si c'est l'une des seuls qui finit par faire preuve d'un peu de chaleur humaine lors de la visite de son père à l'hôpital, elle ne peut s'empêcher de lui reprocher de l'avoir trop gâtée... L'argent (ô maudit argent...) - en trop d'un côté, en manque de l'autre - semble être le responsable de ces tensions dans l'une et l'autre famille. Lorsque le mari d'Elena refuse finalement de venir en aide à sa famille à elle, il va déclencher un processus plus destructeur qu'une boule de bowling dans un jeu de poupées russes... Un final ultra glaçant (tout ça pour ça, diable...), souligné par les accords répétitifs et tragiques des violons de l'incontournable Philip Glass, qui laisse pour le moins pantois dans son siège...

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Zvyagintsev sait faire preuve d'un sens toujours admirable du cadre avec ces légers travellings aussi subtils et maîtrisés que les mouvements d'un fantôme sur la pointe des pieds. L'aspect formel finirait presque par nous hypnotiser (ça sent un peu parfois la posture "artistique", si on osait une critique...) si le fond de l'histoire, par son horreur, ne nous sortait ici ou là de notre torpeur - une torpeur en revanche dans laquelle semble être tombée la plupart des personnages accrochés à leur écran de télévision... Lorsque Elena "passe à l'action" - ainsi que son petit fils d'ailleurs -, ce n'est jamais que pour s'enfoncer encore un peu plus dans l'inhumanité... La "pauvre" Elena (terrible face-à-face avec la photo de celle qu'on devine être l'ancienne femme de son mari), effrayée par sa propre décision infernale (plan un peu facile lorsqu'elle brûle les papiers dans la cuisine), connaîtra quelques instants de pure panique mais saura se reprendre pour "garder la face", condition sine qua non pour dissimuler son acte jusqu'au bout... Noir c'est noir, si vous cherchez une once d'espoir, ce n'est point dans cette œuvre de Zvyagintsev qu'il faudra la quérir... Formellement "hallucinant", humainement terrible, Zvyagintsev maîtrise ce troisième opus de bout en bout... que d'aucuns trouveront peut-être un peu trop "lisse et mathématique" dans la facture.

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