L'Homme au Chewing-gum (Manhandled) (1949) de Lewis R. Foster
Quel bien beau titre (français) pour un film noir hollywoodien. L'excellent Dan Duryea avec sa tête de faux-cul et de malfrat est le fameux homme au chewing-gum : il sait comment s'y prendre pour manipuler les femmes et la pauvre Dorothy Lamour en fera douloureusement les frais. Mais avant d'ouvrir l'emballage, revenons au pitch qui ne tiendrait pas vraiment sur un paquet de chewing : le vieux Alton Bennet (Alan Napier qui a parfois bien du mal à insérer ses deux mètres dans le cadre 1,37 : 1) fait ses derniers temps des cauchemars épouvantables ; il s'imagine en effet assassiner sa ravissante femme (la chafouine et volage Irene Hervey) avec une bouteille de parfum, une femme qui possède une petite fortune en bijoux (belle petite séquence d'ouverture où Forster s'ingénie à ne filmer que les jambes de ses personnages... le mystère plane déjà). A sa place, on irait voir un psy et c'est d'ailleurs ce qu'il entreprend de faire. Il confie ses rêves troublants au Dr Redman (un coco ?) en présence de sa nouvelle assistante la bien jolie Dorothy... Celle-ci (belle éthique du secret médical) en touche deux mots à son voisin du dessous, le branle-manette et peloteur Dan Duryea... Hum, hum... What's next ? On retrouve forcément la belle Irene assassinée avec une bouteille de parfum, quant aux bijoux, ils se sont bien sûr envolés... Est-ce le mari (too easy), la chtite Dorothy (roh quand même), ou cet enfoiré de Dan qui semble méchamment comploter dans son coin ? Le vieux détective chenu Bill Dawson (Art Smith) et le couillu et débraillé Joe Cooper (Sterling Hayden), pour le compte des assurances, partent sur les trace du criminel...
Point la peine de trop en dire sur l'intrigue qui va connaître quelques jolis petits rebondissements. Tout semble rapidement accuser Dan Duryea (mais j'ai rien dit, faites-moi confiance) : il vit dans sa tanière avec un hamster qui tourne dans sa cage (c'est moins classe qu'un serin, pour les fans melvilliens, vi) et passe son temps à semer des indices pour que tout accuse Dorothy (mais c'est po si simple, non...). Art Smith et Joe Cooper mènent l'enquête dans les règles (tout le monde passe à l'interrogatoire) mais ne font pas non plus dans l'ensemble super sérieux : Art Smith arrive toujours à la bourre sur les lieux du crime ou pour interroger un témoin à cause d'un Sergent qui conduit comme un pied et Cooper est, lui, toujours au taquet mais son look dépenaillé - il passe son temps à semer sa cravate lorsqu'elle ne pendouille pas dans sa poche - n'inspire pas vraiment confiance. Il semble d'ailleurs rapidement oublier les bijoux pour les beaux yeux de Dorothy. On pense tout de même que les deux hommes, mine de rien, savent ce qu'ils manigancent... Sauf que dans la dernière ligne droit, on finit par se demander franchement où est la police...
Une solide distribution et des caractères bien trempés, un ptit soupçon d'humour qui mange jamais de pain (la morgue très british d'Alan Napier qui boit son café alors que sa femme vient d'être assassinée, la tronche de Duryea (king-kongesque sur l'affiche originale) qui mâchouille ses chewing-gum comme une vache affamée, le coolos Sterling Hayden et l'irritable Art Smith, la chtite Lamour qui se fait serrer chez elle par Dan avec un toaster au premier plan - va-t-il n'en faire qu'une bouchée ou simplement chercher à la griller (...oh !) -, une intrigue qui suit paisiblement son cour mais qui sait nous surprendre alors qu'on pensait avoir tout compris depuis le début, bref, un ptit noir sympathiquement sucré à consommer dans sa bulle.