Armored Car Robbery (1950) de Richard Fleischer
Bougrement efficace ce bon vieux film de hold-up de base avec un Richard Fleischer qui sait comment ne pas faire traîner les choses : on pense que nos quatre malfrats sont encore en repérage quand, boum, au quart d'heure de jeu, nous voilà en plein dans le feu de l'action ; l'opération est chronométrée à la seconde seulement, pas de bol, une bagnole de flics était dans les environs. Une fusillade dans la brume (belle idée que celle des masques à gaz qui n'est pas sans faire penser à The League of Gentlemen de l'ami Basil Dearden) , un blessé parmi les braqueurs, une course-poursuite et nos hommes qui s'en sortent sur un coup de dé : c'est le début de la cavale avec un magot qu'il va falloir diviser en 4, ah non en 3, ou... ah quoi bon le diviser après tout. Le charismatique William Talman mène les opérations du côté de la face sombre, Charles McGraw est le lieutenant de police à ses trousses : il est particulièrement vénère parce qu'il a perdu son fidèle associé lors du hold-up... Cat and mouse, let's go...
On a droit à la traditionnelle strip-teaseuse de revue aux jambes infinies (Adele Jergens, terriblement craquante quand elle défait ses cheveux - Shang, votre conseiller coiffeur) qui fout forcément un peu la bisbille chez les bandits, aux endroits border-line qui donnent du cachet au bazar (terrain pétrolifère et glauquissime quai filmé by night), aux règlements de compte internes qui ne font pas dans la dentelle (laissez-moi voir un docteur par pitié, oh toi déjà tu nous retardes alors maintenant tu vas la fermer, et voila trois balles dans ton coffre), à l'éternelle bagnole engloutie par les flots (mais la police au taquet d'être toujours là lors du dernier glou-glou), aux nombreux petits indices laissés dans leur fuite par les malfrats que les malins flics savent toujours finement analyser (un numéro de téléphone, une chemise avec une marque de rouge à lèvres, une photo...). Talman et Jergens tentent de prendre toutes les précautions d'usage pour se faire discrètement la malle (les coups de fils de cabine à cabine dans le même lieu - si loin, si proche... du bonheur) mais Charles McGraw n'est po du genre à se faire si facilement enfumer ; belle idée que cette relation qu'il noue avec son nouveau partenaire de jeu (Don McGuire), un ptit rookie qu'il prend un peu de haut au départ mais qui va peu à peu gagner ses galons et son respect... Joli final, également, sur le tarmac d'un aéroport que les gars Verneuil ou Deray ont su reprendre aquatiquement en leur temps... Richard Fleischer est décidément un bien bon artisan du genre, sachant toujours trouver le bon angle pour faire monter le suspense. (Shang - 25/01/12)
Un film impeccable en effet, d'une grande rigueur, un quasi-documentaire infiltré dans cette bonne vieille équipe de casseurs et dans cette bonne vieille police lancée à leurs trousses. Le film marche sur les traces du Hitchcock de The Wrong man ou de The Man who knew too much (version 1934) dans la méticulosité qu'il met à être le plus précis possible dans sa narration, le plus vraisemblable : le taff des médecins légistes, des enquêteurs, de la police scientifique est décrite avec beaucoup de vérisme, et on sent Fleischer passionné par la réalité. Son film n'en est pas moins doté d'un solide suspense et d'une bande de personnages parfaitement crédibles, des sbires bernés de l'immonde Talman aux flics de service, en allant jusqu'au 42ème figurant de ce cabaret interlope où sévit la bombasse Adele. Le hold-up en lui-même, expédié en trente secondes, importe peu : ce qui compte c'est l'humain, et donc l'après-casse, ce moment où la pitoyable engeance humaine trahit sans scrupule ses semblables, attirée par le gain et le sexe avec Adele (bien jolie décoiffée, je rejoins Shang). Trahisons il y aura dans la camp des vilains : si le personnage principal est parfaitement dégueulasse, ses sbires ont tous une petite part d'humanité qui les rend attachants, et on a envie qu'ils s'en sortent tout autant que l'implacable flic mette fin à leurs agissements meurtriers. C'est vrai qu'à force d'être aussi froid dans la narration presque documentaire, l'émotion passe un peu au second plan et qu'on vibre assez peu à cette histoire. Fleischer n'est ni John Huston ni Stanley Kubrick, et peine à faire passer son film du côté des chefs-d'oeuvre. Mais tel qu'il est, il est passionnant, d'un beau classicisme à défaut d'être un classique. (Gols - 06/07/19)