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Shangols
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16 décembre 2021

Il était une Fois en Anatolie (Bir zamanlar Anadolu'da) (2011) de Nuri Bilge Ceylan

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Nuri Bilge Ceylan fait vraiment partie des grands cinéastes contemporains et il le prouve une nouvelle fois avec ce film : une grande fresque, à en croire le titre ? Pas vraiment si on ne se fie qu'à la trame, étalée sur moins de 24 heures : un homme a été arrêté, on recherche le cadavre qu'il a enterré, on l'exhume, on l'autopsie... Dit comme ça, cela a toutes les allures du film le moins passionnant du siècle... Si on s'intéresse de plus près aux personnages principaux, aux secrets qu'ils cachent (le "présumé" assassin, le procureur, le commissaire, le docteur...) alors là oui, mes amis, il s'agit d'une véritable fresque des émotions humaines, qu'il s'agisse d'évoquer les douleurs, les doutes, les regrets (...) auxquels chacun est confronté. Il serait un peu dur de résumer ce film en disant qu'il s'agit d'une œuvre à clé : certes, rien n'est jamais explicitement dit de but en blanc, mais toutes les pièces permettant de décrypter chacun des personnages sont livrées progressivement, chacun se confiant à demi-mot, au gré d'une nuit anatolienne, à la personne dont il se sent le plus proche, chaque pièce du puzzle finissant par s'assembler pour que l'on cerne les troubles qui rongent chacun de ces individus. Le rythme est lent à la mesure du temps qu'il faut pour connaître les gens, les cadres sont toujours sublimes sans que l'esthétisme ne vienne jamais prendre le pas sur le fond, la gravité de la situation est pesante mais toujours relevée par de petites pointes d'humour qui rendent ce film finalement si... humain.

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Sans vouloir dévoiler le fin mot de l'histoire, ou plus exactement le fin mot des histoires de chaque personnage, disons simplement qu'il y a toujours à la base de troublantes et troublées situations familiales : un meurtrier confronté à son passé (jamais bon d'avoir pour maîtresse la femme d'un pote...), un procureur élucidant le "mystère" de la mort d'une femme "sublime" dont il était (très) proche (trois petits points), un commissaire reconnaissant les difficultés de son couple et de leur enfant, un docteur divorcé (superbe utilisation des photos qui en quelques secondes retracent sa vie) qui se fait un devoir de cacher une vérité trop sordide... sûrement pour ne pas ajouter aux blessures du seul enfant de l'histoire, les enfants, d'après ses propres mots, se retrouvant toujours "punis par le péché des adultes"... L'ambiance n'a po l'air très gaie, me direz-vous, mais l'humour à froid sait ici ou là pointer le bout de son nez pour alléger - à défaut de détendre complètement - l'atmosphère : un commissaire obsédé par le yaourt de buffle, un procureur qui se rappelle la lointaine époque où on le surnommait Clarke Gable (point étonnant qu'il compare le cadavre à la star, quelque chose étant définitivement mort en lui), un chauffeur courant constamment après la bouffe, un médecin qui pique sa petite crise de jalousie perso juste avant d'ouvrir un homme de haut en bas, un soldat toujours au taquet pour donner des précisions bien souvent fastidieuses... Autant d'instants de douce ironie qui donnent au film, disais-je, une réelle humanité.

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On pourrait également évoquer en prime la tranquille amitié, la confiance qui se nouent entre le docteur et le procureur, cette séquence à couper le souffle avec la jeune fille du maire, véritable instant suspendu et lumineux dans la nuit, qui permet à chacun de se confronter à ses propres tourments avec les femmes, ce grand chien noir fidèle à son maître qui nous permet d'établir un lien entre la scène d'ouverture et la découverte du mort, ce visage buté de l'enfant qui lance une pierre à l'homme (...) qui a gâché sa vie, ce plan kiarostiamesque extraordinaire sur cette pomme qui dévale la pente, descend le long de la rivière - à l'image de la chute (?) de chacun de ces individus - et qui s'arrête finalement dans un tournant de la rivière - comme si le temps était venu pour chacun, au cours de cette nuit, de faire le propre bilan de sa vie, de ses échecs... Bref encore un Grand prix du Jury cannois donné à un film qui méritait haut la main la Palme...   (Shang - 24/01/12)

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Tout a été dit par mon compère : voilà une pure beauté. Si l'essentiel des arcanes de l'enquête policière m'a pour ma part échappé, je suis resté comme deux ronds de flanc devant la somptueuse mise en scène de Ceylan. Jamais le bougre n'avait été aussi proche de son modèle de toujours, Abbas Kiarostami : ici, au détour de ce plan sublime avec la pomme qui roule dans le ruisseau, ou de ce cadre très large sur une petite route sillonnante à travers les champs jaunes (THE marque de fabrique de Kiaro), ou de ce goût pour les habitacles de voitures donnant sur l'extérieur, on retrouve tout de suite le maître, et Ceylan est bien souvent à deux doigts d'égaler le génie iranien. Ce plan qui frappe littéralement les yeux de la jeune fille qui traverse une cour est là aussi éminemment kiarostamien. Le modèle est parfait, mais Ceylan transforme cet hommage en un objet très personnel, doté de son rythme propre et de ses personnages à lui. Toute la première moitié du film, cette traversée d'un territoire en même temps que d'une nuit, vous laisse pantois de maîtrise ; pourtant le film n'est jamais un pur objet, il respire par tous les côtés, grâce à l'humour décelé par mon Shang, grâce à la précision des personnages, crédibles jusque dans les tout petits détails de leurs caractères, grâce surtout à la mise en scène fluidissime de Ceylan, sa façon toujours pertinente de se tenir face aux comédiens, avec distance et empathie (le tueur est aussi misérable que les flics qui le cognent). Ce cinéaste aime profondément les gens qu'il filme, n'a pas une once de cynisme en lui, malgré le côté sombre et désespéré de sa trame ; et il aime aussi profondément les paysages qu'il filme, ces vastes champs nus qu'il dispose comme des scènes de théâtre, éclairés par les phares d'une voiture. Dans la deuxième partie, plus narrative, on pourrait croire que le film gagnerait en lumière le jour venu ; mais point : les personnages s'enferment dans leurs secrets et leur mutisme, voire concrètement, dans une salle d'autopsie qui donnera une séquence finale impressionnante : tout en bruits dégueu et en évocations. Un pur chef-d’œuvre, peut-être le plus beau film du bougre.   (Gols - 16/12/21)

Il etait une Fois en Anatolie_1

Commentaires
M
Merci, Stéphane, pour cette information. Si j'ai vu les deux versions, s'il vaut évidemment mieux aller en salle, nous serons quelques-uns à ne pas bouder le plaisir que nous offre Arte.
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M
Info gratos : arte.tv propose cinq film de Nuri Bilge Ceylan. On peut voir aussi de mini-rétrospectives Mizoguchi, Dumont et Ruiz, "La sentinelle", "La première folie des Monty Python" et bien d'autres films qui esjouissent le cervelas et les mirette.
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