The Shanghai Gesture (1941) de Josef von Sternberg
Comment se peut-il qu'une ville puisse pervertir une femme comme Gene Tierney ? Bon, ok, cette ville est Shanghai mais tout de même... Quelle chute !... Le jeu, l'alcool, le manque de respect envers son père, où va-t-on ? Faut reconnaître que le gars Josef sort l'artillerie lourde pour nous faire comprendre, dès cette première plongée vertigineuse dans ce cercle (de jeu) de l'enfer, que Shanghai est the lieu de la perversion... un lieu forcément cosmopolite. Toutes les nationalités se retrouvent autour de cette roulette où même lorsqu'on perd et qu'on tente de se suicider (ce pauvre allemand prénommé Boris), on ne parvient point à y parvenir... Il reçoit, en gage, une poignée de jetons pour que son vice puisse repartir pour un tour... de roue. L'ange Tierney, elle, gagne d'abord un petit pactole, s'acoquine avec ce vautour de Victor Mature (c'est un anagramme, ne cherchez même pas) et en route pour la chute...
Sternberg nous livre une galerie de portraits de diablotins de première main : Mother Gin Sling (Ona Munson, rien que son prénom est une tentation...) règne en maîtresse des Enfers - véritable cocktail Molotov - avec sa coiffure bizarrement cornue. Sir Guy Charteris (Walter Huston), investisseur du siècle (aujourd'hui, il serait trader), ne peut-être finalement que son mari même si ce pauvre Diable ose à peine mettre le pied dans ce casino trop humain, trop pourri. Victor Mature est un poète qui a vendu son âme au diable et se dit désormais Docteur, un docteur incapable de panser les plaies et qui passe plutôt son temps à tenter d'y mettre du soufre. Si Phyllis (c'était tentant) Brooks (Miss Dixie Pomeroy) était une fille de joie dans un autre temps, en d'autres lieux, normale que dans ce casino, elle se retrouve comme un poisson dans l'eau. Elle ne tarde point à faire son trou et la bougresse de se retrouver princesse dans ce monde de vice. Tout s'achète (elle a vendu son âme dès le départ à ce curieux chinois au nom de conquérant - Percival Montgomery Hower ! (Clyde Fillmore)) dans cet univers où l'argent est le seul maître... à tel point que cet endroit en finirait par devenir curieusement familier... Heureusement, soixante-dix ans plus tard, Shanghai s'est refait une santé (ah ouais ?).
Tout ce petit monde se retrouve pour un dîner final où sont exposées toutes les tares de chacun. Le hors-d'oeuvre se compose de jeunes femmes que l'on vend aux plus offrants et chacun des participants verra ensuite son compte réglé en moins de deux par la maîtresse des lieux : lorsque l'un des invités, offusqué, veut quitter la table, il est rapidement sommé de se rasseoir ; il n'y a point de toute façon de porte de sortie en enfe... Et si jamais, par hasard, on parvient à la retrouver, c'est pour se retrouver au milieu des bruits infernaux des pétards célébrant le nouvel an chinois (vous n'auriez qu'à voir la tronche de mes chats dans quinze jours pour comprendre que, dans ces cas-là, personne n'a vraiment envie de mettre les moustaches dehors...). The Shanghai Gesture tient son rang au niveau des films noirs car même si ce monde étincelle, la noirceur des personnages est telle qu'il a tôt fait d'ombrager l'éclat des pierres précieuses. Le film se termine par le plus abominable des crimes (si jamais il y avait une hiérarchie...), un infanticide (ou pour être plus précis un filicide, eh ouais, on se la pète sur Shangols), comme si Dieu avait abandonné en ce lieu, en ce temps, ses propres enfants... Ah, et on me dit que c'est pas fini, ciel ! Vraiment de quoi devenir fou, Gene... (Shang - 27/12/11)
Je sens bien que je vais faire mal au petit cœur énamouré de sa Gene de mon copain Shang (mais ça lui apprendra à spoiler un film jusqu'à son ultime seconde) : j'avoue m'être beaucoup ennuyé devant The Shanghai Gesture, dont je sais bien qu'il est admis que c'est un classique. Tout m'a déplu d'emblée là-dedans, les acteurs, à commencer par Victor Mature que je trouve complètement anachronique là-dedans, ainsi que le scénario, qui m'a semblé très confus, assez incompréhensible et tiré par les cheveux (en gros, je n'ai pas compris grand-chose à l'intrigue, et il a fallu le texte éclairant de Shang pour y voir plus clair). Il n'y a guère que dans l'ambiance de ce Shanghai d'avant-guerre qu'on peut trouver matière à s'extasier : beaucoup aimé effectivement ce casino, personnage principal de l'histoire, au sein duquel se croisent toutes les personnalités, toutes les cultures, toutes les strates de la société. Sternberg rend à merveille l'atmosphère de cette ville de stupre, dangereuse et vorace, où on peut se retrouver ruiné (ou bêtement mort) en moins de deux. Mais avec ce splendide décor, il ne trouve rien de mieux à nous raconter qu'une vague histoire d'anciens amants, de fille retrouvée et de vengeance à petite portée, on est très déçu. A part Ona Munson, qui semble s'amuser comme une folle avec sa coiffure de Méduse, les autres acteurs ont l'air un peu gênés par le scénario improbable et par l'absence de scènes saillantes à jouer. Et j'y inclus, excuse-moi Shang, Tierney : jolie comme une petite poupée de porcelaine, elle a à défendre un personnage caricatural (aaaah ! sa scène d'ivresse...), incompréhensible et binaire. Ce n'est pas sa faute, mais elle est clairement engagé pour son potentiel physique, et c'est tout. Bon, bref, j'ai sûrement rien compris au film, mais je suis resté carrément dubitatif devant la chose. Pas pour moi, clair. (Gols - 04/02/22)
La partie cachée de Sternberg est là