Le Fauve en Liberté (Kiss tomorrow Goodbye) (1950) de Gordon Douglas

Cela faisait un bail que je n'avais pas recroisé la route de cet homme plus hargneux qu'un ptit Pimousse, plus ambitieux que Patrick Besson, plus séducteur qu'Alain Delon cinquante ans plus tôt (minimum) : James Cagney est absolument pleine bourre dans ce film noir, qu'il s'agisse de s'échapper d'une prison en évitant les balles, de faire des casses ou de monter des plans bougrement tordus (faire chanter un inspecteur véreux ou détrousser le roi des paris protégé par la Police en s'habillant... en flic), de séduire le casting féminin (la blonde et douce Barbara Payton ou la brune sophistiquée et bouillonnante Helena Carter)... Interprétant le malfrat Ralph Cotter dans une adaptation d'Horace McCoy, notre James se taille la part du lion jouant à mort de son petit sourire sardonique voire démoniaque : face aux hommes de loi comme face aux gonzesses, notre héros garde un aplomb terrible que seul un plomb tiré à bout portant pourrait entamer. Véritable trompe-la-mort, on voit mal comment les flics pourraient être assez futés pour le coincer... Mais dans les films noirs, c'est souvent les donzelles qui s'avèrent les plus dangereuses.

Cagney n'est jamais à court d'idées pour tromper et trahir son monde : tout comme il n'hésite pas de sacrifier son partenaire de cavale (en lui tirant une balle alors que celui-ci est blessé lors de l'évasion : on sait dès le départ qu'on a affaire au parfait salaud et que Cagney va être au top de sa forme), il est prêt à s'amuser avec les forces de l'ordre corrompus jusqu'à l'os (il se rend dans l'antre même de la police où un flic détruit les traces de son passé criminel), ou encore à dompter les gonzesses en employant la manière forte (la chtite Payton a beau  faire preuve de résistance (scène de jalousie d'anthologie lorsqu'elle balance au James son café en "pièces détachées" : et ma cafetière qui vole, et ma tasse qui s'écrase contre le mur, et mon pot de crème qui passe à ça de l’œil droit de James et mon sucre qui explose en un nuage de poussière), elle finit généralement dans ses bras) ou la manière chafouine (il t'embobine avec finesse Helena Carter, riche héritière d'un magnat local (autre scène d'anthologie quand avec le James à ses côtés, elle veut faire la maline en poussant une ptite pointe de vitesse dans sa bagnole anglaise : James lui écrase le pied sur l'accélérateur et la chtite de se retrouver dans un véritable jeu vidéo en accéléré - faut pas jouer avec le James, il n'a aucun respect pour sa propre vie...).

Cagney se livre à un véritable jeu de massacre, n'hésitant jamais à assommer un type (petit voyou ou ponte de la police) qui lui résiste ; il s'associe avec un avocat plus véreux qu'une pomme en enfer pour mener à bien quelques-unes de ses tractations d'enfoiré et on voit mal ce qui pourrait l'arrêter dans sa mégalo surtout dans une société qui ne brille guère par sa morale... Le film débute d'ailleurs avec un procès où se retrouvent sur les bancs des accusés des types de la police, un gardien de prison, un avocat... (le film est raconté en flash-back par les accusés, procédé un poil maladroit puisque ceux-ci donnent un version exacte de l'histoire : autant se tirer une balle dans le pied...). Même si certains passages manquent un chouilla d'intensité (tout le bastringue mis en place pour enregistrer l'inspecteur et le faire chanter, la romance parfois un peu molle avec Carter), cette œuvre de Gordon Douglas qui déroule le tapis rouge (sang) pour James Cagney (également producteur du bazar) est un vrai régal vintage. Fallait po lâcher le fauve in the fifities...