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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
5 décembre 2011

Deep End (1970) de Jerzy Skolimowski

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Alors que sur Shangols la bataille fait rage pour tenter de trouver un bon film anglais (j'avoue que récemment le gars Basil Dearden m'a tout de même assez bluffé), voilà sûrement l'un des tout meilleurs de ces quarante dernières années réalisé forcément... par un Polonais (c'est ce qui s'appelle avoir le sens naturel du gag). Voilà une œuvre terriblement rafraîchissante et attachante qui se passe dans un établissement de bains municipaux (Shangols c'est aussi des jeux de mots, des calembours hilarants, des blagues à échanger...) et qui nous conte les premiers émois sexuels d'un ado : on pourrait presque percevoir au détour de certaines scènes (notamment la visite surprise à une prostituée avec laquelle il taille la bavette : le côté initiatique, l'aspect naïf et un peu foireux, l'humour) quelque chose de l'état d'esprit de L'Attrape-coeur et cela représente en soi, à mes yeux, déjà un immense compliment. Notre jeune ado au teint frais comme les blés va s'amouracher d'une rousse de feu d'une vingtaine d'années - forcément plus délurée (la pétillante et diablement sensuelle Jane Asher) et n'aura de cesse de chercher à ruiner ses plans amoureux (en plus de son fiancé, celle-ci couche avec un prof de sport qui vient régulièrement à la piscine) : on sent, comme on dit, que la sève monte chez notre petit jeune et qu'il se verrait bien passer une première nuit d'amour inoubliable avec sa collègue dont les gambettes souvent dénudées sont déjà toute une promesse...  Notre gamin aura pourtant l'occase de se faire la main sur certaines des clientes des salles individuelles qui ont la quarantaine bien sonnée : nombreuses sont celles qui l'enfermeraient avec plaisir dans leur cabine... mais trop effarouché ou simplement terriblement gauche, notre ado reste puceau. Il n'est pas dit cependant que la belle Jane ne finira pas par livrer ses charmes à notre collant teen passionné. Mais qui dit passion dit bien souvent...

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Rythmé par la musique seventies de Cat Stevens et de The Can (quelques morceaux qui swinguent grave), le film se suit avec un réel bonheur : nombreuses sont les séquences automatiquement "cultes" (dans mon musée intime - un soir, dans cinquante ans, promis, je ferai le bilan) dont on savoure à la fois l'ironie, la causticité mais aussi, bien souvent, l'érotisme terrible qui en émane ; citons notamment cette scène dans une salle de cinoche où notre ado, spectateur assis un rang derrière sa belle, se plaît à lui caresser un sein : elle est alors accompagnée par son fiancé mais elle se laisse faire quelques secondes avant que le jeune homme se mange une bien jolie baffe - ces petits jeux érotiques ne cesseront de monter en intensité et la rousse de finir par enfumer l'esprit de l'ado vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; il la suit, la harcèle, la dévore des yeux jusqu'à ce qu'elle finisse par lâcher, fatalement, du lest... Outre cette tension sexuelle quasiment constante - notre jeune homme devrait tout de même bien finir par "le grand saut", stricto sensu (voir la séquence prophétique et un chouilla symbolique où il se jette du plongeoir pour aller rejoindre flottant dans la piscine le poster grandeur nature de son fantasme) - qui transpire dans de nombreuses séquences de cette œuvre tendue comme un maillot de bain trop petit (parmi les clientes qui ont le feu au derrière, la palme revient à cette blonde qui sert sauvagement notre jeune homme tout en racontant un but de George Best - un but réellement jouissif...), il y a une réelle complicité qui finit par se nouer entre nos deux jeunes gens qui jouent avec les frontières de l'excitation - la longue séquence où ils se mettent à chercher un diamant dans la neige (plus dur qu'une aiguille dans une botte de foin - y'a un symbole là aussi, moi je dis) est franchement inénarrable et finit en apothéose sur les carreaux de la piscine - superbe scène d'amour filmée avec une véritable beauté (tout comme la plupart des scènes sous-marines) et une grande pudeur par le sieur Jerzy.

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Dès le départ, on est plein d'empathie pour ce jeune homme qui a les deux pieds dans le même sabot. On sent qu'il va être à rude école - sentimentale - avec cette rousse qui se moque gentiment de lui. Skolimowski a le don d’enchaîner les saynètes dans un décor ultra minimaliste, la fougue de nos jeunes gens, la drôlerie de la plupart des situations ou des divers personnages secondaires (les clientes délurées, la caissière frustrée, la prostituée plâtrée, le prof de sport libidineux...) faisant rapidement passer outre la toile de fond aux couleurs pétaradantes. Troisième œuvre de Skolimowski évoquée dans ce blog et troisième enthousiasme délirant (oui bon ça se voit pas forcément mais j'ai encore mon pied, sous la table du bureau, qui frétille d'excitation en repensant à ce film vivifiant), de quoi donner envie de se pencher plus en avant sur la filmo du bonhomme (Le Départ avec Jean-Pierre Léaud pourrait bien être d'ailleurs la prochaine victime...) - va au moins falloir que je vive jusqu'à 212 ans si je veux faire le tour de tous les cinéastes que j'aime...   (Shang - 01/08/11)

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Je partage complètement l'enthousiasme de mon camarade vis-à-vis de cette chronique sexuelle vibrante de couleurs et de spontanéité. Complètement ancrée dans son époque sans tomber dans un psychédélisme de foire qui pourrait en déranger le propos, cette œuvre est tout bonnement lumineuse, et s'avère être un portrait aussi simple que juste sur le passage à l'âge adulte et la découverte des joies (et frustrations) se situant sous la ceinture. Pas de longs discours pénibles, juste un ton impeccable, entre amertume et humour, pour nous raconter les déboires de ce pauvre jeune homme pris dans l'époque post-soixante-huitarde de l'émancipation tous azimuts des femmes : celles-ci ne s'en tirent pas forcément avec les honneurs, tant Skolimowski se délecte de les montrer soit comme des harpies vieillissantes en manque de sexe, soit comme des semis-prostituées vénales, soit comme de franches putains démolies (le pute à la jambe dans le plâtre). On sent que le cinéaste observe cette nouvelle forme de féminité avec une sorte d'humour ricanant ; mais il y mêle une telle tendresse, et il lui oppose un personnage masculin si candide et naïf, qu'on comprend aussi que Skolimowski, derrière la satire, applaudit cette liberté naissante à l'époque. La musique de Cat Stevens apporte une touche de modernité supplémentaire à ce film déjà complètement de son époque, et les couleurs (la peinture rouge du générique est un grand moment du film, mêlant les teintes bariolées du psychédélisme au sang, le sexe à la mort, la violence à la joie) ne cesseront de venir nous câliner les yeux pour adoucir la causticité des portraits.

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Quant au "héros", qu'on aurait pu tout aussi bien imaginer sous la caméra de Milos Forman, il est parfait, aussi beau que niais, aussi maladroit qu'insolent. On assiste pendant 90 minutes à une plongée dans les fantasmes d'un garçon des années 70, depuis le trouble quand il voit sa mère venir aux bains publics où il travaille, jusqu'à l'accomplissement sexuel, en passant par le culte presque fétichiste de l'image de la bien-aimée, le désir d'une sexualité libre et en apesanteur (la belle idée des scènes de cul sous l'eau de la piscine) ou la frustration de ne pas "faire partie du cercle" (la carte de membre qu'il faut obtenir pour courtiser la belle dans les endroits chics). Skolimowski fait le tour de la question sans jamais être lourd, en gardant toujours ce petit ton léger, en utilisant l'anecdote minuscule plutôt que les gros effets : c'est doux et drôle, beau et simple. Réussite, donc, pour cette petite bulle modeste.   (Gols - 05/12/11)

Retrouvez sur Cinetrafic la catégorie Film d'amour et bon film 
Commentaires
O
"Deep End" est en effet un des plus beaux films que j'ai vu. Film marquant, pas par son propos, pas évident à déceler, mais pour son art de la mise en scène, de l'incongruité, du rythme, du sens du contrepied (on est toujours surpris par la direction que prend le film). Une merveille.
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H
Vu par hasard sur Arte, alors que je ne savais rien du film, une dizaine d'années avant qu'il ne soit restauré et ne ressorte en salle : mon plus beau souvenir de découverte cinématographique « non préparée », avec 'Route One USA' de Robert Kramer (également en fin de soirée sur Arte, à la même époque). Un de ces films à la vision desquels il est constamment impossible de prévoir ce qui va se passer dans les quelques minutes qui suivent : et quand cela se passe, ça semble étonnant, drôle, éventuellement incongru, mais jamais arbitraire ou « purement scénaristique ». Au fond, la seule réalité humaine semble être, pour Jerzy Skolimowski, ce qui est en train de se faire, d'avoir lieu. Dès que les personnages pensent en termes d'origine ou de finalité (en l'occurrence, à la fin : parvenir à coucher ou récupérer un diamant), le pire est au rendez-vous. « Intérêt passionné pour le déroulement », pour citer de nouveau Brecht (même si Skolimowski se réclame plutôt de la tragédie grecque). Un vrai film d'action, et d'ailleurs Skolimowski battra trente ans plus tard sur leur propre terrain les cinéastes censément spécialistes de cette catégorie filmique, avec 'Essential Killing'.
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P
Bon, passons sur vos remarques sur le cinéma anglais qui vaut bien le français.<br /> <br /> Truffaut reconnaissait d'ailleurs avoir dit une connerie à l'époque mais il réglait ses compte avec le producteur de son film anglais Farenheit 451. Passons et pensons, rien que pour les années 70, à Nicholas Roeg, à John Shlesinger, à Joseph Losey, à Loin de la foule déchaînée par exemple, un admirable film dont le souffle me bouscule encore aujourd'hui.<br /> <br /> <br /> <br /> Pourrait-on éviter ces remarques nationales, l'art humain mondial transcende toutes ces mesquineries nationales. La Terre vue d'un satellite, les pays n'existent pas. Comme Dieu, ce sont inventions humaines.
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