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24 novembre 2011

LIVRE : La Télévision de Jean-Philippe Toussaint (1997)

television_1_J'aime beaucoup Toussaint que j'avais rencontré (à l'époque où j'étais un étudiant de feu.... (?)) pour la sortie de son livre La Réticence qui n'est d'ailleurs pas ce qu'il a écrit de mieux tant on sent sa souffrance à achever l’œuvre. Je l'avais trouvé assez sympathique quoiqu'un peu froid, et je suis pas sûr que cela fut réciproque (j'étais assez chaud en ce temps-là). Bref, écrit 6 ans après La Réticence, La Télévision narre les non-aventures d'un narrateur qui a le projet d'écrire un livre sur le Titien pour lequel il a obtenu une bourse en Allemagne et qui en branle pas une. Il y a tellement de trucs à faire : s'allonger dans l'herbe, faire un petit tour dans un coucou, ne pas arroser les plantes de ses voisins, ne pas regarder la télévision, tellement de possibilités en fin de compte...

Il est d'ailleurs capable lui-même de définir l'état d'esprit de son bouquin: "Par ne rien faire, j'entends ne rien faire d'irréfléchi ou de contraint, ne rien faire de guidé par l'habitude ou la paresse. Par ne rien faire, j'entends ne faire que l'essentiel, penser, lire, écouter de la musique, faire l'amour, me promener, aller à la piscine, cueillir des champignons. Ne rien faire, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer un peu vite, exige méthode et discipline, ouverture d'esprit et concentration". En dehors d'aller cueillir des champignons, on avait tout pour se rencontrer, mais bon, on a po toujours du temps à consacrer à des fans mâles, j'en conviens. D'ailleurs, depuis, il est venu à Shanghai pour me retrouver mais il a préféré Fuir, petite chose délicieuse d'une précision minutieuse qui se déguste avec des baguettes. Toussaint n'a rien d'un grand, juste un writer next door qu'il ferait bon de croiser sur son palier les dimanches de pluie. Chacun voit les Éditions de Minuit à sa porte, remarquez bien.   (Shang - 09/06/06)


La-Television_2Suite à la critique acérée de mon compère (ah, on n'est pas tous les jours sublimes, hein, et puis le texte précédent est une œuvre de jeunesse de mon comparse), je précise que je n'ai jamais rencontré Jean-Philippe Toussaint ; je peux quand même affirmer que ça ne ressemble à rien d'autre, et c'est à peu près tout ce qu'on peut en dire si on veut tenter de cerner ce qui fait sa spécificité. Parce que le style du garçon est complètement inrésumable, indéfinissable. Disons que, s'appuyant sur une base complètement anodine, voire triviale (ici, le narrateur qui décide de ne plus regarder la télé), il parvient à vous emmener dans un étrange paysage absurde, parallèle, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à notre monde à nous, mais est en même temps situé à l'autre bout de la galaxie... Moui, je vous avais prévenus : impossible de mettre des mots sur cette trame improbable, faussement relâchée et bordélique, ni sur cette écriture à la fois "banale" et super affûtée. En tout cas, voilà : de la décision de ne plus regarder la télé, on est entraîné dans de mini-situations drolatiques impayables, dans une foule de petites aventurettes anodines et déviantes, et dans une escalade de tout petits gags "à froid" qui rendent ce bouquin fascinant. Ma préférence va bien sûr à ce chapitre tout en n'importe quoi où le narrateur, qui a oublié d'arroser les plantes de ses voisins durant les vacances, tente de sauver les meubles en s'enfonçant dans des stratagèmes impossibles (genre faire semblant d'aller pisser, s'enfermer à clé puis passer par la fenêtre pour sauver une plante, etc.). L'humour flegmatique de Toussaint, tout en nonchalance, est pour beaucoup dans l'impression d'irréalité du roman, qui devient presque effrayant à force de flirter avec le "rien", l'anodin : le monde contemporain qui y est décrit (comme dans cette formidable image où le narrateur, privé de télé, regarde la façade de ses voisins illuminée par les écrans) devient une sorte de jungle silencieuse et inquiétante qui aurait presque à voir avec un cauchemar kafkaïen. Mais tout ça est fait avec une telle modestie que jamais cette inquiétude ne vient annuler la drôlerie de ce texte : Toussaint ne fait jamais son malin, alors qu'il aurait largement les moyens de le faire vue la maîtrise de ses outils. Au final : un grand petit livre.   (Gols - 24/11/11)

Commentaires
S
Faire l'amour?
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S
Euh, non, Fuir se passe bien à Shanghaï puis à Pékin. C'est faire l'amour, son précédent roman ,dans ce qui je crois sera une tétralogie, qui se passe à Tokyo. C'était plus simple au temps de la Salle de bain, certes.
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S
Fuir au Japon, si je me souviens bien?
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