Hellzapoppin' (1941) de H.C. Potter
Hellzapoppin est le film culte par excellence et contre cela il n'y a de toute façon pas grand chose à faire. Allez, à tantôt... Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Ben c'est toujours un ptit bonheur perso de voir à quel point ce film demeure complètement barré : un début en trombe en plein cœur de l'enfer de Broadway, un montage survitaminé, un spectacle dans le film dans le film..., douze mille idées de gags à la seconde (Hellzapoppin et ses légendaires "running gags" dont cette plante devant être livrée à une certaine Mrs Jones qui grandit au cours du film jusqu'à devenir un arbre gigantesque...)... Bref, à peine le générique achevé, nous voilà dans un tourbillon d'invention et de créativité qui en fout plein les mirettes. Bon, comme on est pas non plus des enfants de chœur sur Shangols, on ne va certes pas aller jusqu'à trouver que c'est forcément la comédie musicale la plus géniale de tous les temps... Pourquoi, monsieur, me direz-vous le sourcil en accent circonflexe ? Eh ben parce que notamment, vous répondrai-je humblement, les numéros chantés sont bien souvent terriblement plats : ils dénotent affreusement par rapport aux scènes intermédiaires où règne en maître cet humour absurde délirant qui se boit comme du ptit lait - les Monty Python seront indéniablement les bébés d'Hellzapoppin'... Du coup, on se retrouve, au milieu du film, dans une sorte de ventre mou où on finirait par donner sa chemise pour que les acteurs s'arrêtent de chanter. Du gag, même du très lourd, même du facile de chez facile, mais par pitié qu'ils arrêtent de pousser ces chansonnettes sucrées...
Heureusement, un miracle survient à l'approche du dernier tiers du film avec tout d'abord un morceau de jazz joliment balancé - et classieusement filmé avec ces musiciens qui rentrent tour à tour dans le cadre - qui est enchainé avec un numéro de boogie-woogie absolument démentiel - black is wonderful and salvateur, si je peux me permettre de créer mes propres formules. Ensuite, bienheureusement, on entre dans la dernière ligne droite jusqu'à ce final "explosif" : tout est fait justement pour bousiller les numéros incontournables de comédie musicale et plus les gags sont hénaurmes plus on on finit par se marrer comme des hyènes en rut - le coup tout con de ces feuilles qui viennent se coller sur les danseurs ou sur les musiciens : le gag est usé jusqu'à la corde mais le pire c'est qu'il devient presque addictif... Alors qu'on pense que nos amis Olsem et Johnson ont tout donné - rares sont les comédies musicales où les deux héros finissent hilares à califourchon sur des porcs... -, on se reprend une couche de micro-gags pour la route avec notamment le retour d'Elisha Cook Jr : ce dernier encaisse une petite rafale de plombs et se perce de part en part (le temps - 1941 - n'est point encore aux films noirs mais à l'humour noir avec cette douzaine de figurants qui se fait flinguer à la moindre occase...). Bref, même si tout n'est pas aussi fin que la dentelle du Puy, on reste souvent halluciné devant ce condensé prodigieux de gags et cette mise en scène de starbé... et pis de toute façon quoiqu'on en dise, hein, c'est culte, donc à quoi bon s'escrimer à relever les chtites faiblesses... Bah ouais. (Shang - 12/11/11)
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Bien épuisant quand même, ce film. Potter a une petite tendance à confondre folie et hystérie, et je serai celui qui apportera la nuance : ça va trop vite, et on n'a pas le temps d'apprécier cette avalanche de gags déjantés qui nous tombent sur le coin du râble. Du rythme, je veux bien, mais de la précipitation, c'est moins bien. Bon, ceci dit, ce côté mitraillette permet de faire passer n'importe quelle idiotie, et Dieu sait qu'elles sont nombreuses : le film affirme sans complexe sa superficialité et aligne fièrement les gags les plus pourris avec une belle santé. Marabout-de-ficelle, coqs-à-l'âne, jeux de mots en mousse, délires visuels poussés au bout du bout, fins clins d’œil culturels, acrobaties animalières, comique de situation, grosses farces à la Groucho Marx ou cascade à la Harold Lloyd, il y a tout dans Hellzapoppin, pour le meilleur et le pire. Déridons-nous, et reconnaissons que c'est souvent pour le meilleur. Martha Raye est pour beaucoup dans la drôlerie, elle explose littéralement en vieille fille harcelant un millionnaire pour qu'il la marie ; et pourtant la partie amourette et romance semble avoir été ajoutée au scénario du spectacle originel. Preuve qu'on peut être inventif dans le scénario et rester fidèle à l’œuvre. La partie comédie musicale n'est effectivement pas la plus réussie, Shang a raison : chansonnettes à deux balles et mièvrerie qui colle mal à l'aspect foncièrement anar de l'ensemble. Comme mon compère je reste pour autant scié par cette démonstration de danse démoniaque (renseignements pris, on appelle ce style le lindy-hop) : un mélange d'acrobaties et de danse absolument échevelé qui évoque les premiers temps du hip-hop aujourd'hui, impressionnant.
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Côté comédie, franchement, on en a pour son argent, et les deux héros du jour Olsen et Johnson ne s'épargnent pas une minute pour nous en donner pour notre argent. Ça file à 2000 à l'heure, et il fallait bien le savoir-faire de Potter pour donner à ce grand moment d'hystérie un semblant d'ordre. Ça balance du méta à tire-larigot, on est dans le film dans le film qui se moque du film dans le film, on va même faire un tour en cabine de projection, ça se fout de la gueule du producteur et ça vient tiller la censure, c'est parfois tellement con qu'on ne peut que rigoler comme une clé à molette, parfois sophistiqué comme une blague de Woody Allen ; bref on est pris en otage à la première minute et ça nous laisse exsangue à l'autre bout, avec peut-être une légère sensation de trop-plein mais impressionné en tout cas par l'esprit no-limit des créateurs. (Gols - 27/11/24)
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