Drive (2011) de Nicolas Winding Refn
Ah ben oui, tiens, me voilà encore un poil mitigé devant cette ultime œuvre de NWR. Faut même dire qu'au départ, je me suis mis à craindre le pire, croyant assister à un film de Sofia Coppola : un conducteur un peu autiste, en tout cas quasi muet, qui tombe en arrêt devant une jolie blondinette avec enfant trognon... Ils s'observent, lui ne cligne pas plus des yeux que des neurones, elle lui sourit doucement, vont-ils consommer cette indéniable romance : nan, c'est mal, son mari à elle est en prison et ce serait sûrement un peu lâche... Angelo Badalamenti signe des accords assez planants sur des plans qui se veulent hypnotiques - qui riment souvent avec euthanasiques... -, le truc serait presque terriblement envoûtant s'il n'était point aussi un poil superficiel (toujours le problème de ces films avec peu de mots où l'esthétisme finit par prendre le pas sur le fond - comme une façon de botter tranquillement en touche...). On se dit, tiens, notre ami NWR, depuis qu'il est allé faire un tour chez les valhalla, il s'est vachement zénifié et a décidé de pécho le créneau de la romance gentillette sur siège en cuir... Ma femme s'est mise à bâiller, ce qui m'a foutu un coup au moral, puis a méchamment sursauté quand le premier coup de feu a retenti : un casse à la Sailor et Lula qui foire sa mère et un film où, soudainement, la poudre se met à parler et l'hémoglobine à couler. NWR is back et il est temps d'attacher sa ceinture.
Après une vision romantique un poil idyllique et une première demi-heure pleine de douceur, le cinéaste enclenche directos la quatrième vitesse et nous projette dans un monde où l'esprit de la revanche sanglante règne. Notre driver n'a pas seulement mis les pieds sur l'accélérateur, il s'est mouillé jusqu'au cou dans la seule affaire qu'il devait à tout prix éviter ; comme il n'est plus possible de faire machine arrière et qu'il lui faut également protéger ses proches - la blondinette plus une sorte de père adoptif (le gars de Breaking Bad, Bryan Cranston, excellent, qui a laissé tomber la came pour un temps), il n'a d'autres choix que de foncer dans le tas avant que ses adversaires le laminent... C'est toujours finalement aussi peu causant, mais il ne fait pas de doute que le récit prend un sacré virage. On ne peut pas dire non plus qu'au niveau des neurones, on n'ait vraiment à faire plus d'effort, mais ces petites séquences d'action pure font indéniablement monter l'adrénaline... De là à crier au génie ou à filer un prix de la mise en scène à Cannes (faudrait un jour que quelqu'un me définisse ce que signifie réellement ce prix : est-il question de la direction d'acteur, de l'esthétisme, de la "chorégraphie" cinématographique... je finis par m'y perdre un poil...), faudrait peut-être po exagérer : j'avoue que je suis d'ailleurs un peu surpris par la quasi unanimité des critiques devant ce film qui constitue un-bon-polar-émaillé-d'une-touchette-de-romance-avec-une-pointe-d'ambiance-musicale-transcendante, mais même si NWR n'est pas un manche pour planter une ambiance, faire doucement monter la sauce (la scène dans l'ascenseur - bien que le gars semble oublier qu'il n'y ait que 4 étages et non quatre-vingts dans l'immeuble... ah ouais, c'est le ralenti, c'est ça, prenez-moi pour un jambon aussi...) ou couler un petit travelling de derrière les fagots (dans le garage notamment), je ne me suis point laissé submerger par l'ivresse absolue de cette oeuvre... Après ça, boire ou conduire il faut choisir, c'est vrai. (Shang - 10/10/11)
Pour une fois qu'on est d'accord sur un film de NWR... Ok, j'exagère, il n'y a que Valhalla Rising qui nous avait séparés, mon compère n'avait rien compris à ce film (eheh, pure agressivité, mon gars, je plaisante). Bon en tout cas, oui, bien déçu par cet opus américain (l'ultime, semble dire le Shang ? ce n'est pas ce que j'ai entendu dire, le gars ayant eu du succès aux States) qui a vu le grand talent de ce réalisateur se perdre quelque part au milieu de l'Atlantique. C'est un polar banal, quoi, même pas très bon si on veut vraiment être franc. Comme mon copain, j'ai été assez terrifié par cette première demi-heure sentimentale qui ressemble à un clip des années 80 quand il s'agit de décrire un coup de foudre : la description du petit jeu de séduction entre les deux héros est une horreur de mièvrerie. On voit que Refn tente de renouveler ses recettes habituelles, surtout au niveau des rythmes très ralentis et d'une certaine emphase de style ; mais ce qui fonctionnait à travers des sujets forts comme la recherche de Dieu ou la soif de rédemption ne fonctionne pas ici, où il n'est question que d'un petit braquage qui tourne mal et d'une bluette en bord de rivière. N'est pas Melville quiconque fait taire son personnage, mon petit Winding.
Quand il passe en mode vengeance et coups de fourchettes dans les yeux, il devient, c'est vrai, un peu plus intéressant, parce qu'au moins ça devient fun. La mise en scène est intéressante quand il s'agit de suspendre l'action juste avant le moment fatidique : le regard anxieux du héros quand sa chambre de môtel est attaquée par des tueurs, cette façon de faire d'un seul regard l'objet de 5 secondes de métrage avant que les meurtres éclatent, c'est vraiment bien ; ça rappelle, toutes proportions gardées, les étirements d'action des grand de Palma, notamment cette fameuse scène de l'ascenseur : les quatre étages en paraissent 80, certes, mais c'est excellent : c'est juste que la mise en scène tente d'enregistrer toutes les actions simultanées les unes à la suite des autres : le coup d'oeil sur la main du tueur qui se glisse sous sa veste, le baiser fougueux à la copine, la préparation du geste fatal, tout a son importance dans ce moment, et la caméra filme tout patiemment plutôt que de précipiter l'ensemble à la John Woo. Ce genre de petites choses sauvent le film du transparent complet, d'autant que la direction d'acteurs est vraiment impeccable : très emballé, comme Shang, par le jeu inattendu de Bryan Cranston, complètement en porte-à-faux par rapport à ce qu'il fait dans Breaking Bad. Et ce Ryan Gosling, qui fait visiblement frémir les ovaires de nos lectrices, est d'une belle présence. A part ça, franchement, pas beaucoup de bruit pour rien... (Gols - 10/10/11)