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24 septembre 2011

Tomboy de Céline Sciamma - 2011

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Deux films, et Céline Sciamma, ça y est, fait partie de mes cinéastes français préférés. Après le génial Naissance des Pieuvres, qui nous avait laissé, mon compère et moi, bouche bée (jusqu’à le classer en bonne place dans les meilleurs films de ces 10 dernières années), Tomboy arrive à nouveau comme un miracle, au moins à la hauteur du premier. Franchement, qui, dans les cinéastes d’aujourd’hui, arrive aussi bien à comprendre l’enfance et l’adolescence, et qui sait aussi bien diriger les jeunes comédiens ? Depuis Pialat et Doillon, on n’avait pas vu une telle finesse dans le regard, et c’est d’abord ça qui bluffe là-dedans : la façon insensée qu’a Sciamma de saisir l’instant, la minuscule fraction de seconde où la vérité apparaît sur le visage des enfants, cette émotion hyper-ténue qui affleure naturellement, ce naturel sans calcul. Les petits acteurs du film ne jouent pas, ils sont, aussi plate que cette expression puisse être. Comme l’essentiel de Tomboy leur est consacré, on a une impression de pénétration complète dans l’intimité de ces enfants, et ce travail d’approche et d’observation est extraordinairement délicat. Magique, en un mot.

 

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Sciamma est en train de devenir tout bonnement LA cinéaste de cet état fragile entre enfance et adolescence, mais une cinéaste qui doit autant au cinéma « psychologique » de tradition française qu’à un cinéma viscéral, sanguin, physique, qui serait plus hérité de l’Amérique. Car, encore une fois après les ballets aquatiques de Naissance des Pieuvres, c’est avant tout par les corps et le mouvement que la cinéaste enregistre la métamorphose de son héroïne. Laure est une enfant au visage et au corps androgyne, ce qui fait qu’on la prend par erreur pour un garçon, à son grand plaisir : pour l’extérieur, elle se fera appeler Michaël, jouera au foot torse nu, embrassera sa copine dans les bois et mettra des roustes aux gars qui font du mal à sa sœur ; chez elle, elle sera à nouveau Laure, gentille fillette vivant sa vie entre un papa gentil mais un peu trop souple, une maman juste mais dure, et une petite sœur hyper-féminine. Trouble de l’identité et de la sexualité, jeu avec les personnalités, jonglage social pour être inséré dans un groupe, tentation de l’émoi amoureux qui part tous azimuts, il y a bien sûr tout ça dans cette histoire-là ; mais c’est avant tout une énergie physique qui est captée, à travers les plans immobiles (où l’on contemple ce petit visage opaque, en gros plan, ou bien où l’on assiste à des tranches de vie magnifiques dans la famille, surtout dans les rapports entre les deux fillettes) aussi bien que les scènes beaucoup plus mouvementées : Sciamma excelle littéralement à rendre l’énergie d’un jeu, d’une bagarre, d’une danse, à travers des séquences entièrement vouées au mouvement, où la caméra est comme attachée au rythme interne du groupe, du couple, des personnages. Il y a par exemple un match de foot de gamins filmé tout en mouvements, où on ne lâche jamais le personnage tout en étant plongé dans le rythme de la partie ; il y a aussi une danse folle entre deux filles (passage obligé, dirait-on de tout le cinéma français depuis Assayas et Téchiné), qui scotche par son tempo…

 

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Sans jamais s’alourdir sur les conséquences ou les causes du comportement de son personnage (le film ne traite jamais d’homosexualité, de déviance sexuelle, de « responsabilité » parentale, de toutes ces thèses dans lesquelles n’importe quel autre tâcheron français serait tombé), Sciamma montre, avec sa seule caméra et ses seuls acteurs (géniaux, grands et petits), une mutation, un questionnement. Sans explication, sans jugement, avec le juste distance exacte, elle regarde l’enfance comme un lieu mystérieux, à la fois proche et lointain, à la fois tragique et léger (le film est souvent drôle, jamais plombant, presque lumineux jusqu’à la fin). On ne sait pas si le comportement de Laure aura des conséquences sur sa vie future, et on est même prêt à parier que non, que ce qu’on a vu là, c’est simplement un passage obligé pour grandir (se poser des questions, regarder son corps changer, avoir peur de l’autre sexe, être attiré par le sien) ; mais peu importe, encore une fois, Tomboy est tout sauf un film à thèse. C’est juste un film juste, comme dirait l’autre, où chaque nouvelle séquence semble à sa place, semble couler de source. Je l’ai vu il y a une semaine, et je reste encore sidéré devant la mise en scène de Sciamma, qui sait par exemple, en un seul mouvement de caméra (ce panoramique « circulaire » qui part du visage de Laure dans la forêt, se promène lentement dans les arbres, pour finir par cadrer la robe de la fillette accrochée à une branche et elle qui s’éloigne au loin), montrer un désarroi, une révolte, un refus. Pour moi, Tomboy est un chef-d’œuvre, ce qui constitue le deuxième à mettre au crédit de Céline Sciamma, et ce en deux films. Vous avouerez que c’est pas mal.  (Gols - 02/05/11)

 

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Grand plaisir juste après m'être refait le Doillon (Ponette) de voir que Céline Sciamma possède la même finesse dans la direction de ces jeunes acteurs. On est loin d'un Ma Vie en Rose (où un garçon cette fois-ci se prenait pour une petite fille) d'un Berliner qui avait non seulement besoin de tout un tas d'artifices pour nous impliquer dans son récit mais ne pouvait s'empêcher de nous conter son récit par le biais du regard - souvent ras la moquette - des adultes. Sciamma se focalise sur son héroïne/héros et n'a point besoin de décors rose-bonbon pour nous faire capter ce qu'il ressent tout au fond de lui (la magnifique séquence où Michaël/Laure stresse de devoir faire pipi durant la partie de foot ou celle ingénieuse où il/elle se confectionne un maillot de bain et n'oublie point l'ultime accessoire... La créativité d'une Sciamma versus la lourdeur d'un Berliner...). Il y a également toutes ces scènes d'une grande justesse pour nous faire comprendre la connivence entre les deux sœurs : la chtite Jeanne qui pige rapidement lors de la visite de Lisa quel jeu joue sa sœur et ne la trahit point, tout comme, lors du repas familial, plutôt que de rester bouche bée, elle parviendra magnifiquement à broder sans en dire trop ; la petite saynète durant laquelle les deux soeurs s'amusent au jeu des questions/réponses pour deviner à quel personnage la chtite pense (" - Il n'a pas de cheveux ? - Non. - Le gros type dans la pub pour les pâtes...") traduit également à elle-seule toute cette complicité sans qu'il soit besoin d'en dire beaucoup plus... On savait déjà que la caméra de Sciamma était capable de saisir les relations que les ados peuvent entretenir avec leur corps, mais elle le prouve une nouvelle fois à merveille lorsque Laure observe méticuleusement les attitudes des garçons lorsqu'ils jouent au foot pour pouvoir ensuite reproduire à l'identique les mêmes gestes : sans qu'il soit besoin d'un quelconque discours polluant, la simple grâce de ces images nous fait prendre conscience de tout ce qui se joue dans la tête de Laure.

 

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Un père plutôt coulant et une mère qui sait au besoin prendre le taureau par les corne, mais là encore des adultes - contrairement au film de Berliner - qui ne viennent jamais bouffer le fond de l'histoire ; Sciamma sait intelligemment revenir sur son personnage principal après juste une poignée de larmes - celles de la mère, celles de la fille, point de cris et de fureur outranciers - et parvient à boucler la boucle de son histoire avec une grande ingéniosité - l'âge de l'adolescence comme l'âge des (premières) expériences où il faut savoir constamment faire preuve d'adaptation aux diverses situations (joli parallèle et parfaite adéquation avec la trajectoire des parents qui ne cessent de changer de lieux). Tomboy se révèle être un réussite parfaite en son genre et il est bon de se dire qu'avec l'ami Gols on peut être encore et toujours sur la même longueur d'onde vis-àvis de la poignée de nouveaux films qui nous touchent en profondeur. CQFD.   (Shang - 24/09/11)

Commentaires
G
Ah ouiii ! revoyez, Félix, revoyez : c'est une vraie merveille.
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F
Belles critiques. Je vous rejoins complètement ! Cela m'a donné envie de revoir Naissance des pieuvres, qui ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable.
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