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7 juillet 2011

Signes (Signs) de M. Night Shyamalan - 2001

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J'ai toujours eu beaucoup de tendresse pour ce film, et j'en ai encore à la revoyure 10 ans après : Signs est le meilleur film de Shyamalan, celui qui tente de passer outre le scénario pour mieux peaufiner ces ambiances "désincarnées" qui faisaient la qualité des précédents films du gars (les passables Sixième sens et Incassable). Oui, parce que là encore, une nouvelle fois, le scénario est débile : une histoire de martiens qui envahissent le monde, contemplé par un prêtre en perte de foi et sa petite famille rurale, passe encore ; mais quand Shyamalan en profite pour nous délivrer son coming-out mystique, comme quoi, tu vois, tout est lié, grave, tout fait signe, et si ton môme il est asthmatique ou si ta fille elle aime pas l'eau, c'est parce que Dieu a un dessein impénétrable que tu découvriras bien au jour J... là, je le suis moins, tant tout ça sent la tambouille judéo-américano-chrétienne pour débutants. Le gars s'embourbe encore dans sa volonté désespérée de nous servir un twist final, on rigole doucement devant ces élans solennels d'explication du monde. 

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Je préfère voir dans Signs un brillant exemple de mise en scène et d'ambiances, en me foutant du scénario. De ce côté-là, c'est vraiment convaincant. Dès les premières images, lentes, comme "étouffées" aussi bien au niveau du son (voir obligatoirement le film en VO pour se rendre compte du travail minutieux sur le débit des voix et la mise en avant des sons extérieurs) que de la photo, on se rend compte du regard éminemment original de Shyamalan sur le monde : comme jadis Bruce Willis, Gibson contemple ce qui l'entoure complètement hébété, l'univers semblant un réseau codé incompréhensible. Il y a une sorte d'épure abstraite magnifiquement rendue par la mise en scène dans ces plans où Gibson, hagard, bras ballants, se tient immobile devant son champ de maïs face au mystère insondable : la terreur mystique passe beaucoup plus dans ces plans-là, simplissimes, que dans le gloubi-boulga de la trame. Là, on voit clairement un posture face au mystère de la vie, qu'elle soit envahie par des aliens ou non. Gibson a perdu sa femme 6 mois auparavant (dans un flash-back pour le coup ridicule), et en a gardé cet affaissement du corps, cette posture passive face à la vie, cet étonnement constant ; attitudes qu'il semble même avoir transmise à ses enfants et à son frère, tellement opaques qu'ils en deviennent effrayants : la lenteur poussée à l'extrême du jeu de Joachim Phoenix, la fixité du visage des enfants, tout ça semble entrer dans l'atmosphère générale émanant de la nature, si calme qu'elle en est terrifiante. Les bruits extérieurs (cris de corbeaux, vent dans les blés), les cadres très originaux trouvés par Shyamalan (comme le chien fou demeurant hors-champ mais avec une caméra à sa hauteur, très près des enfants), la longueur des plans, tout est minutieusement calculé pour induire une sorte de léthargie de tout (le film s'ouvre sur Gibson qui se réveille, et les personnages ne cessent de rappeler qu'ils ont "déjà vu ça en rêve"), d'effacement de la réalité.

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Chose notable : Mel Gibson, oui, le gars de Jésus et de L'Arme fatale, Mel Gibson est BON... Ça m'arrache la gueule, mais je serais presque prêt à dire qu'il est même franchement excellent, dirigé à la baguette par un réalisateur qui lui fait renoncer à (presque) tous ses tics de cabotin pour jeunes filles pré-pubères : sobre, intérieur, il joue avec une force remarquable le tourment, la fatalité, la peur et le renoncement. Ce qui prouve que Shyamalan, s'il est un mauvais auteur, est un grand directeur d'acteurs (Willis était également la seule qualité des premiers films du gusse). Comme en plus il y a dans ce film une grande intelligence de mise en scène, une façon de prendre son temps et de réfléchir posément aux angles de caméra pour décupler l'émotion, et comme en plus Shyamalan devient avec Signs un cinéaste quasi-conceptuel qui balance l'efficacité aux orties (montage plein de faux raccords, trames naissantes et qui meurent aussitôt, utilisation très mesurée des gros effets), on ne peut qu'applaudir devant ce faux film d'action séduisant et unique.

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Commentaires
T
Belle critique en effet, pourquoi ne pas le répéter même si ça a déjà été dit? :-) Merci de souligner les qualités aussi bien que les faiblesses de Shyamalan; ces qualités qui relèvent pour beaucoup des aspects les plus "artisanaux" de la cinématographie, comme le soin apporté au calibrage des différentes pistes sonores et au choix des angles... à l'opposé des scénarios qui essaient volontiers de se faire plus malins qu'ils ne le sont (alors que souvent, ils le sont, justement, malins, juste un tout petit peu moins qu'ils ne voudraient que nous le pensions).
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R
Excellente critique. Je suis complètement d'accord même si personnellement la trame ne me débecte pas tant que ça. Le truc judéo-chrétien, la destinée, le "tout est écrit", c'est clairement un peu puant, ok, mais le film ne ferme pas la porte là-dessus, il en prend le chemin mais ne le fait pas, ça reste une question de point de vue, celui du personnage principal, assez suivi par la mise en scène mais n'empêche que ça reste énoncé comme un point de vue. Et la scène sur le canapé, une des meilleures, qui prend dix minutes pour filmer deux acteurs qui murmurent et qui est la scène la plus marquante du film, énonce le contraire, donc bon... Bref, c'est pas ça qui compte.<br /> <br /> Ce qui compte c'est tout le reste, et là je suis totalement d'accord avec vous. J'ai adoré le film la première fois que je l'ai vu et un peu plus toutes les fois suivantes. J'admire ce que fait Shyamalan avec ses cadrages, ses zooms, son montage, j'aime le rythme de son film, et j'aime beaucoup un plan en particulier dont je parlerai dans une future critique sur mon blog !
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F
Belle critique, avec laquelle je suis globalement d'accord. Quand j'ai découvert le film, je l'ai pourtant aussitôt détesté (je préférais les premiers films de Shyamalan, et je continue à préférer Incassable aux autres), et il m'a fallu du temps pour l'apprécier pour les qualités que vous énoncez très bien. :)<br /> (Bon, et moi j'aime bien Gibson, malgré ses quelques fardeaux, je l'aime quand même bien comme acteur et comme réalisateur)
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