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15 juin 2011

Araya (1959) de Margot Benacerraf

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"Salarié : homme qui par son travail gagne son sel" : la sentence a du poids si l'on considère la vie de ces saliniers à Araya, un coin proprement désert au bord de la mer situé au Vénézuela. Une vie qui semble ne pas avoir bougé d'une once depuis des centaines d'années (quatre-cent-cinquante au bas mot) avec ces types qui passent leur temps, nuit et jour, à se coltiner ou se trimballer du sel - il y a ceux qui le ramassent en mer, ceux qui le réduisent en fragments sur terre et ceux qui le transportent jusqu'à former de véritables pyramides pharaoniques salées. A Araya, tu as quand même le choix : il y a le Bac S, pour tout ce qui touche au sel, et le Bac P, si jamais tu veux devenir pêcheur. Oui sinon, t'oublies. Il y a bien, en option, éventuellement, la formation "jarre" ou "ramassage de coquillages" mais cela semble réserver aux femmes. Parce que si les hommes se brûlent les pieds sur ce putain de sel à longueur de journée, les femmes en attendant ne chôment point : on suit en particulier la journée d'une de ces femmes, et entre le collectage de poissons, sa vente porte-à-porte dans le village voisin, le ramassage de bois, l'allaitement du petit dernier, la cuisson de jarres, la préparation de la bouffe... Enfin bref, tu finis la journée, t'as pas le temps de réfléchir à ce que pourrait être le mouvement féministe.

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Benacerraf nous fait donc vivre une journée de ces travailleurs du sel - Araya, "une région où tout vient de la mer" comme le répète 32 fois le commentateur qui une fois qu'il a parlé du soleil qui tape et du vent qui souffle se trouve un peu à court de formule - et livre un documentaire à la fois fascinant (on a l'impression que le temps s'est arrêté sur ce bord de mer vénézuélien - figeant tout le monde en statues de sel (oui, bon, c'était tentant) ; difficile d'ailleurs (l'instant perso roots) de ne pas avoir une pensée en passant pour Madagascar (j'ai le droit d'en parler, une fois par mois, nan ?) avec notamment ces personnes droites comme des i qui transportent absolument tout sur la tête (sel, poissons, bois, eau...) - refermons la douzième parenthèse) et d'une beauté hypnotisante (ce noir et blanc est absolument somptueux et chaque plan est d'une rigueur hallucinante - du très beau travail esthétiquement parlant, faut le souligner). Des vies de labeur qui se déroulent dans un silence profond - on ne parle ou ne chante que peu, apparemment - et dont on se demande quelles peuvent bien être les distractions... On suit une petite fille qui ramasse toute la journée des coquillages sans parvenir à deviner ce qu'elle peut en faire (ouais, la vente aux touristes, pas possible) : lorsqu'on la retrouve, le soir, avec sa grand-mère, dans un cimetière, à fleurir, littéralement, la tombe d'un parent avec ces morceaux de corail, il y a une véritable magie qui se dégage de cet instant, là encore effectué en silence. Il tranche avec ces images, sur la toute fin, de machines modernes qui viennent concasser des pierres dans les environs : la modernité va-t-elle sonner la fin de cette (dure) vie ancestrale ? On ne s'est po fait les bonus mais on s'en doute... Le fait est, lorsque le sobre générique défile, qu'on garde en tête ces images de Benacerraf, celles d'un monde qu'elle a su capter avec une étonnante majestée - Prix de la Critique Internationale à Cannes en 59 ? Vraiment point volé.

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