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11 juin 2011

LIVRE : Jouer du Piano ivre (Play the Piano drunk) de Charles Bukowski - 1979

jouerD'abord, les titres complets, soyons précis : Jouer du Piano ivre comme d'un instrument à percussion jusqu'à ce que les doigts saignent un peu (Play the Piano drunk like a percussion instrument until the fingers begin to bleed a bit (l'occasion de relever la supériorité de la langue anglaise pour ce qui est des sonorités, quand même...))

 

Bien longtemps que je n'avais pas replongé dans la poésie bukowskienne, et j'avais bien tort : c'est vraiment une merveille, malgré la traduction forcément platounette, malgré l'évident je m'en foutisme de la plupart des poèmes, malgré la patine que ces textes ont forcément pris avec le temps. Malgré... et même grâce à, au final : c'est justement le lâcher-prise, l'absence d'ambition, l'écriture (faussement) improvisée qui font que ces petits textes touchent souvent à l'universel. Buk se fout de la beauté comme de son premier caleçon sale ; comptent pour lui le tempo, l'atmosphère juste, la description la plus simple possible de la misère humaine. On retrouve avec bonheur son personnage de clochard dégueulasse, mais contrairement aux nouvelles, les poèmes se laissent sans complexe aller au plus noir des désespoirs, même si l'humour est omniprésent. Mais même ce qui est gai est triste chez Bukowski, et d'ailleurs tout est triste, glauque, tout sent la fin de tout (de la vie, de l'amour, des illusions, de la société, de l'homme, de la dernière cannette). Ça pourrait être ostentatoire, plombant, manquer de sincérité ; c'est juste confondant d'amertume et de justesse. Ah certes, on n'en ressort pas avec une envie folle de croquer la vie. Quoique... comme il sait si bien le faire, Buk sait, face à la nullité du monde, proposer quelques clés au bonheur, quelques petites choses toutes simples : une course de chevaux, une nana à poil qui reste un peu plus d'une nuit dans son lit, un enfant, une symphonie de Brahms, un autre loser qui le touche... C'est justement à cause de cette noirceur ambiante que ces sas d'air deviennent aussi touchants.

 

L'écriture fait semblant d'être bâclée, et notre Buk semblant d'être modeste : il y a, au milieu de quelques textes il est vrai oubliables, des fulgurances, une façon très personnelle de planter une ambiance, un personnage, en quelques mots très simples : "Ce type a débouché de l'allée / de l'Institut d'éducation sexuelle / et a failli m'écraser les orteils / avec sa moto ; / il avait une barbe noire et sale / les yeux d'un pianiste russe / et l'haleine d'une pute de East Kansas City." (he had a black dirty beard / eyes like a Russian pianist / and the breath of an East Kansas City whore). Il sait à merveille mettre le doigt sur le petit détail qui parle de lui-même, livrant des sortes d'haïkus très rythmés, qui font de l'épure leur seul mot d'ordre. Qu'il s'agisse de décrire une toute petite tranche de vie (deux poivrots attablés au comptoir d'un champ de courses, le caprice d'un môme) ou un sentiment plus abstrait, le gars va toujours au plus net, au plus direct. Les mots sont crus, populaires ; les rythmes étranges, saccadés, difficilement définissables (surtout en français). Il y a en tout cas dans tous ces poèmes une sorte de véhémence sans esclandre, une façon d'aller gratter là où ça suppure déjà beaucoup, une insolence sans crânerie, une manière de se désolidariser du monde, qui ne peuvent que toucher. Il faut toujours et toujours lire Bukowski.

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