Berliner Ballade (1990) de Chris Marker
Marker part faire un tour de l'autre côté du mur... tombé cinq mois plus tôt à l'occasion des premières élections. Après l'euphorie et les découpages de ce mur qui se vend comme un petit pain (on assiste à la fabrication "authentique" d'un de ces petits morceaux), les élections avec l'arrivée (surprise) en tête du parti conservateur (CDU) semblent sonner le glas des premières illusions, en particulier chez ceux qui souhaitaient une réelle transformation. Quelques propos glanés ici ou là donnent l'impression d'une certaine "gueule de bois" post chute du mur : qu'il s'agisse des propos du cinéaste et peintre Jurgen Bottcher ("Il faut comprendre que toute la vie est faite de résistance : contre la normalité, contre la médiocrité des pouvoirs") ou de cette militante de l'Association des Femmes, Ina Merkel, qui analyse en ces termes désabusés les résultats politiques : "La population veut une intégration rapide à la RFA ; comme disait Brecht "le bifteck d'abord, la morale après" ; la marche de l'humanité est de se détruire elle-même ; je ne crois plus à l'espoir des futures générations"... Pas d'un terrible optimisme tout cela. Marker laisse trainer sa caméra sur ces multiples croix blanches qui symbolisent les personnes - souvent inconnues - qui sont tombées pour avoir tenté de franchir ce mur ; on sent que ces sacrifices, ces tragédies d'hier ne vont pas tarder à être oubliés, pour ne pas dire piétinés au nom de l'arrivée de la toute puissante économie de marché... Une ballade berlinoise du gars Marker effectuée le moral dans les chaussettes. ♪ Que reste-t-il de nos bouts de mur...? ♪
Tout Chris Marker est là