Etrange Mariage (When Strangers marry / Betrayed) (1944) de William Castle
La Monogram des frères King n'a pas toujours des budgets terribles mais elle a des idées... Voilà en tout cas un film sur lequel l'ami Orson Welles ne tarissait point d'éloges, notamment au niveau du jeu des acteurs. Peut-être pas de quoi sauter au plafond, mais une héroïne, Kim Hunter, qui mérite toute notre compassion et notre respect : la pauvre, tout juste mariée avec un type qu'elle connaît à peine (Dean Jagger, le père caché de Bruce Willis : c'est flagrant, surtout quand il sourit), a d'abord toutes les peines du monde pour le retrouver - un bon tiers du film (heureusement, elle a le soutien du bon gars Mitchum, son ancien amant, po rancunier...) - puis, à peine a-t-elle le temps d'être jouasse en remettant enfin la main dessus, qu'elle se met à craindre qu'il soit un meurtrier... Faut dire, franchement, tout l'accuse, le gars, et le spectateur est le premier à soupçonner ce gagne-petit d'avoir assassiné, dès l'ouverture du film, un type fort en gueule et pété de thune - ambiance à la Judex, avec ce masque de lion que porte encore la victime quand la femme de chambre le trouve... Castle sort les gros effets spéciaux de base en nous montrant cette pauvre Kim, toute affolée, déambulant dans les rues quand les preuves s'accumulent contre son mari, pendant que les têtes d'individus, toutes déformées, crient en arrière-fond : "murderer".
Elle pourrait l'abandonner comme une vieille chaussette, le père de Bruce, et le livrer à la police. Eh ben vous me croirez ou non, mais elle fait tout pour le protéger. C'est beau, putain, l'amour à ce point, et rien que pour cela, elle mériterait d'être sauvagement assassinée dans la foulée - c'est bon, on peut encore plaisanter. Pour tenter de passer inaperçu, notre petit couple de blancs va se cacher... dans le quartier noir. D'un côté, c'est vrai qu'on ne s'attend pas à les trouver ici, d'un autre, ils font quand même rapidement tache. On apprécie au passage la musique emballante de Dimitri Tiomkin qui nous avait déjà gratifié peu de temps auparavant d'un petit morceau au piano très inspiré... Vont-ils ou non se faire pincer, gros suspense... Et Mitchum dans tout cela, voilà un bail qu'il a disparu, ne va-t-il point revenir pour tenter sa chance avec la gorette ?... Parce qu'il a l'air tout cool à première vue, avec son chien tout moche et sa pipe, mais l'habit ne faisant pas le moine, il pourrait bien la jouer ultra fine - et finir par remporter la Kim... En à peine une heure, Castle a le temps de nous rendre relativement proches de ces trois personnages dont il n'est pas toujours facile de savoir quel jeu ils cachent dans la manche... Une série B, oui, franchement fauchée, ok, mais qui n'a pas à rougir aux côtés d'autres productions du genre toutes mollassonnes.
Noir c'est noir, c'est là