Joachim Gatti, Variation de lumière de Jean-Marie Straub - 2009
Deux minutes de ciné-tract tourmenté et coléreux de la part de notre Jean-Marie. Pour exprimer sa solidarité avec Joachim Gatti, jeune gars défiguré par un tir de flash-ball non justifié balancé par la police, il cadre simplement une photo de ce dernier, affichée sur un mur de pierre où la lumière joue. Toutes petites nuances d'éclairages, une plante qui s'agite très doucement, un vague bruit d'extérieur (le klaxon de voiture qui vient clôre le film), c'est tout : on regarde juste ce visage inconnu. Le truc, c'est que Straub y adjoint une voix-off, enregistrée par ses soins, qui vaut son pesant de cocktail-Molotov. Je cite : "Rousseau écrivait : Il n'y a que les dangers de la société tout entière qui troublent le sommeil tranquille du philosophe et qui l'arrachent de son lit. On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre ; il n'a qu'à mettre ses mains sur ses oreilles et s'argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l'identifier avec celui qu'on assassine. Faute de sagesse et de raison, on voit toujours l'homme sauvage se livrer au premier sentiment de l'humanité. Dans les émeutes, dans les querelles des rues, la populace s'assemble, l'homme prudent s'éloigne : c'est la canaille, ce sont les femmes des halles, qui séparent les combattants et qui empêchent les honnêtes gens de s'entr'égorger." Le gars conclue alors sur cette vibrante sentence à la Godard : "Et moi, Straub, je vous dis que c'est la police armée par le Capital, c'est elle qui tue !" Que dire, sauf que c'est bougrement efficace tant c'est simple et engagé. Un film qui ressemble à son auteur, à la fois fantomatique, littéraire, abscons, simple, très personnel et ancré dans la vie. Du Straub.
Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez