Serpent (Orochi) (1925) de Buntaro Futagawa
On tape dans de l'ancien avec ce film de Chambara qui a réussi à survivre à travers les âges. Faut dire que ce film est un vrai morceau de bravoure, à l'image de la pugnacité de son héros face à l'adversité - le type c'est Pierre Richard en ronin, un don certain pour être toujours là où il faut dans les mauvais coups. Malheureux Heisubaro Kuritomi (Tsumasamurô Bandô, je n'y reviendrai pas) qui à chaque fois qu'il tombe amoureux d'une gonzesse tombe dans des plans méga foireux : il va se retrouver au centre de neuf bastons (et pas des moindres, finissant tel un Benny Hill - désolé pour l'anachronisme et les références qui n'en sont guère... - avec toute une ville à ses fesses) en un peu moins de soixante-quinze minutes, ce qui pourrait aisément constituer un record en soi. Il craque pour les beaux yeux (je n'en dirais pas autant de la coiffure) de la fille de son maître, Namie, dont il est le favori. Alors qu'il se noie de saké pour l'anniversaire d'icelui avec ses camarades, l'un d'eux, un type haut placé, rond comme un shamisen, décide de le provoquer ; c'est la toute première rixe alors que la partie vient à peine de commencer - une véritable mêlée ouverte - et notre pauvre HK de se faire sermonner comme un beau diable par son maître - tout le monde prenant la défense du type influent, sales hypocrites, va. Il se prend un mois de suspension et ne va pas tarder à faire à nouveau parler la poudre lorsque trois types, en pleine rue, remettent en cause l'innocence de sa douce (elle aurait batifolé avec le seigneur du coin... pure gossips) : il se jette dessus pour sauver l'honneur de la belle et se retrouve à nouveau accusé de se conduire comme un moins que rien. Il veut tout de même prouver son innocence auprès de sa Namie (c'est grammaticalement correct, bizarrement), cette dernière l'envoie paître, de nouveaux affrontements s'en suivent - notre ami est leste et te balance ses adversaires par dessus son épaule comme moi mon écharpe -: il se prend un carton rouge et le voilà banni - tu parles d'une tuile.
Déchu, il erre de ville en ville et va reprendre un jour un poil d'espoir en croisant le regard de la belle Ochi qui tient un petit resto. Alors que le voilà perdu dans ses songes, un bol de riz lui tombe sur le râble - un samouraï chahutait à l'étage avec une geisha, il se trouvait encore une fois au mauvais endroit. Il demande réparation et provoque une émeute, finissant par se faire maîtriser par la police. A peine sorti de prison, il se lie avec un chtit voyou qui l'emmène avec son pote dans le resto d'Ochi - les deux gaziers ne savent point se tenir, baston, ouais, avec d'autres clients, HK tente de s'interposer : retour à la prison... Maudit. Pour lui faire plaisir, alors qu'il est de nouveau libre, ses potes kidnappent la fille (super idée) - je résume la suite : intervention de la police, ligotage, prison. Il en a vraiment plein le dos, s'échappe - notre homme est sacrément malin et inventif, se confectionnant une capuche avec l'une de ses manches qu'il a arrachée, bien joué, fils (ah tiens, une ptite baston tout de même, cela faisait longtemps) - et là LE premier coup de bol, il trouve refuge chez un ponte de la ville qui le cache de la police. Le vent aurait-il tourné ? Penses-tu, son nouveau maître est un vrai fumier qui kidnappe des donzelles pour organiser des parties fines - il est tellement dégoûté qu'il n'intervient même po cette fois-ci... jusqu'à ce qu'un jour le ponte jette son dévolu sur la chtite Namie qui errait dans le coin avec son jeune époux tout malade.
Notre HK se jette dans la bagarre comme un fou furieux pour sauver l'honneur de son ancienne mie, se retrouve éjecté de la maison et tous les habitants de la ville et des environs de se mettre à ses trousses ; Futagawa se fend d'un travelling pour filmer cette course-poursuite échevelée et filme en plan d'ensemble cet affrontement dantesque - 34625 contre un - tout en faisant joliment se mouvoir sa caméra. HK tel un Toshiro Mifune à la fin du Château de l'Araignée est assailli de toutes parts (bien aimé en particulier l'enfoiré qui lui balance des tuiles d'un toit), et malgré une résistance farouche (en fait, il baisse lui-même les armes quand il se rend compte - belle lucidité mais sacrée grimace - qu'il a déjà trucidé toute une génération de nippons) finit par être ligoté comme une paupiette. La morale nous avait été annoncée dès le départ, on en reprend une couche : l'habit ne fait décidément pas le samouraï, de vils types échappant à la justice grâce à leur position, quand des gaziers au cœur pur qui présentent mal finissent par mordre la poussière. Pfiou, que d'émotion (je m'entraîne pour devenir benshi). Bruce Lee peut aller se rhabiller, Tsumasamurô Bandô (il mérite bien deux citations, tout de même) déchire. Un chambara vintage qui pétille, particulièrement gouleyant lors de ce final apocalyptique. Il y a quelque chose de pourri dans ce Japon du début du XVIIème, moi je dis.