Bleeder de Nicolas Winding Refn - 1999
On ne peut pas toujours être au top, surtout quand on flirte avec le style fashion : Bleeder est un fim raté, le seul de Winding Refn à ce jour, et on le lui pardonne. Voulant certainement retrouver un peu de la fulgurance de Pusher, il s'aventure sur les mêmes chemins : portraits de losers dans une ville crasseuse, violence qui s'empare du quotidien d'un petit mecton jusqu'à le dépasser complètement, style trash et mouvements de caméra zarbi, amours romantiques mais barrées, et pulsions gore. Il y a effectivement, par-ci par-là, des traces de vraie inspiration, dans la direction des acteurs par exemple ou dans cet humour intrigant qu'on perçoit dans les premières minutes. Excellente, cette scène ou Mads Mikkelsen, qui joue un gérant de vidéo-club complètement obsédé par les films, récite par coeur les 800 réalisateurs que son client peut trouver dans les rayons ; l'autre écoute patiemment, avant de demander "Et du porno ?" (la liste des spécialités de porno, d'ailleurs, est tout aussi marrante). Ambiance étrange, complètement froide mais en même temps drôle, qui nous donne par exemple de belles séquences entre "potes", ou un ou deux portraits intrigants (dont le héros, dont on ne sait si on doit l'aimer avec tendresse ou en redouter les éclats de violence dérangeants).
Mais pour cette fois, Refn a du mal à faire tenir ensemble toutes ses différentes trames : on a une histoire d'amour difficile entre le gérant de vidéo-club et une serveuse, la narration d'un couple qui bat de l'aile suite à l'annonce que madame est enceinte, cette cellule de copains qui explose, sans compter les mille et une petites séquences qu'on tient absolument à faire rentrer dans le scénario... trop d'idées, trop de personnages, si bien qu'on ne sait plus trop ce que Refn a voulu raconter, la violence urbaine ou la cinéphilie maladive, la difficulté d'aimer ou la mort qui guette chacun ; à moins qu'il n'ait simplement voulu faire son Tarantino, et dans ce cas-là, il aurait fallu un peu plus de monde à la réalisation. Curieux, ce choix d'une focale très courte qui tord les visages dans les gros plans, ou de cette image crasseuse quelle que soit l'ambiance recherchée : Refn se cherche un style, et fait un peu n'importe quoi avec sa caméra. Le film mériterait d'être plus simple, peut-être même de n'être qu'un court-métrage qui se concentrerait sur cette histoire de famille et de violence conjugale. C'est dans cette trame-là qu'il y a le plus de pistes intrigantes. Heureusement, Refn reviendra vite à plus d'inspiration.