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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
9 mars 2011

Liberté (2010) de Tony Gatlif

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Tony Gatlif réussit sans doute l'un de ses plus beaux films avec ce récit d'une troupe de nomades pendant la guerre. Un film qui prend forcément une résonance particulière en cette année 2010, et l'on est d'ailleurs super étonné que le gars Sarko ait préféré voir en séance spéciale à l'Elysée Des Hommes et des Dieux et non cette oeuvre dont le titre évoque pourtant l'un des piliers fondamentaux de la République (il a dû avoir peur que Gatlif lui vole sa poule...). Bref, cessons d'être caustique et louons le pouvoir étrange que possède ce film : sans jamais tomber dans le pathos facile (on se doute pourtant dès le départ d'une issue tragique), faisant fi des sempiternels clichés à deux balles (les Tsiganes ne volent point les poules (non Madame) mais aiment à leur faire entendre leur musique pour qu'elles pondent ; les Tsiganes ne volent ni ne mangent les pitits enfants blancs, ce sont eux-mêmes qui choisissent de suivre la troupe...), Liberté raconte l'histoire de cette "grande famille du voyage" qui ne comprend pas vraiment en quoi la guerre la concerne. Elle va pourtant rapidement se rendre compte que les temps ont changé (aucun nomade est autorisé à prendre la route par décret du président), toute la "tribu" se retrouvant enfermée dans un camp (plan d'une grande sobriété sur ces visages figés, face caméra, qui font froid dans le dos comme "des photos vivantes" d'époque). Heureusement, le Maire du village, ce bon Marc Lavoine, va décider de "faire quelque chose" et de les nommer propriétaires du terrain et de la maison de son arrière-arrière-arrière (...) grand-père pour qu'ils puissent sortir... Mais nos Tsiganes ne sont point fait pour rester bien longtemps avec le même toit au-dessus de leur tête et vont reprendre la route, à leurs risques et périls...

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Une trame d'une grande simplicité - on suit également en parallèles activités de résistante de l'instite du village, la toujours excellente Marie-Josée Croze - qui laisse beaucoup "d'espace" pour décrire la vie au jour le jour de cette troupe tsigane : de l'art du rétamage à l'utilisation de remèdes miracles (rien de tel qu'une bonne bouse du vache pour cicatriser une blessure, c'est toujours bon à savoir à Shanghai) en passant forcément par leur don musical, Gatlif décrit avec toujours un naturel bluffant la façon dont vivote cette famille très soudée. Mais c'est surtout dans les soudaines "échappées belles" (ces courses dans la forêt filmées à cent l'heure, la magnifique "chevauchée fantastique" lorsque les Tsiganes sont libérés du camp) et par l'intermédiaire de cet incroyable personnage "possédé" de Taloche (immense James Thierrée qui mérite douze César à lui seul) que le film parvient à séduire : comme si les fulgurances, les éclairs de ces "fuites en avant" étaient la meilleure expression du vent de liberté qui souffle en chacun des membres de cette famille tsigane. L'ultime course du gars Taloche (cherchant finalement refuge... tout en haut d'un arbre, comme pour toucher le ciel du doigt) mérite d'ailleurs à elle seule la vision du film... Plutôt que de nous bassiner avec des débats sans queue ni tête sur l'identité nationale, voilà un film qui mériterait d'être montré dans chaque classe de l'Hexagone pour que la nouvelle génération prenne conscience d'une véritable valeur humaine éternelle... (Euh, passons sur mon lyrisme de patachon). Essentiel.   (Shang - 04/01/11)

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Aaaaah je le savais avant même le début du film : c'est pas pour moi. Je ne veux pas doucher l'enthousiasme de mon compère, mais j'ajoute : on se demande bien pour qui c'est... Les gens de gauche y trouveront simplement une confirmation à leurs nobles opinions, les gens de droite n'iront pas, ou s'ils y vont, ils resteront eux aussi confits dans leurs clichés sur les Tziganes : un Bohémien, c'est un gars un peu simple(t), volontiers bagarreur, rempli de superstition et qui joue du violon (seule bonne scène du film : l'improvisation à la Django sur "Maréchal nous voilà"). Bon. Gatlif nous apprend aussi que le Tzigane est un gars qui court beaucoup, puisque l'intégralité de la distribution passe son temps à galoper d'un coin de l'écran à l'autre sans raison. Mais peu importent ces détails, issus sûrement d'une réelle volonté de la part de Gatlif de réhabiliter sa communauté en ces temps effectivement troublés. Ce qui est plus gênant, c'est cet ancrage historique traité comme un livre du Club des Cinq. Les méchants sont très méchants (les gendarmes), les gentils super-gentils (l'instite bien entendu résistante, Marc Lavoine bien entendu courageux), et les Tziganes tous magnifiques. Un tel manichéisme dessert complètement le film, qui d'historique passe à poétique, et d'une poésie douteuse, archaïque, presque aussi isolationniste que les méchants qu'il tend à pourfendre. Shang conseillait de passer ce film aux mômes dans les écoles, c'est effectivement le public visé, dans le cadre d'un cours de vulgarisation sur les méfaits de la politique hitlérienne : c'est pas bien de déporter des Tziganes. Bien sûr qu'on est d'accord, n'allez pas croire ; mais en limitant strictement son discours à sa propre communauté (ces plans plus que discutables sur le camp de prisonniers peuplé uniquement de Tziganes), Gatlif dit le contraire de la vérité historique, et se plante de discours : oui, il est inadmissible que des gens aient été anéantis dans les camps pendant la guerre, mais peu importent leur origine ou leur communauté. A vouloir segmenter ainsi le réseau des victimes, le film "déshumanise" le propos.

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Un tel étalage de bons sentiments finit par frôler l'overdose. D'autant que la mise en scène est vraiment fade et maladroite. Une construction qui part dans tous les sens, qui mèle les genres (du téléfilm de France 2 à l'allégorie poétique) dans un bordel complet, et une direction d'acteurs inexistante. Je ne peux qu'opposer un véhément désaccord face à mon éminent camarade (avec lequel, il faut le reconnaître, on est rarement d'accord sur les acteurs) pour ce qui est de ce pauvre James Thiérée, qui joue dans un film de Kusturica en multipliant les grimaces et les gavantes "constructions" d'acteur complètement dépassées. On n'oublie jamais le numéro d'acteur, il ne devient jamais un personnage, et étale un savoir-faire roublard en lieu et place d'une quelconque sincérité. Il ne mérite que le César, c'est la seule constatation que je partagerai avec mon gars Shang. Quant à Marie-Josée Croze, elle est atteinte d'un manque de naturel confondant (mais il faut dire que ses scènes sont clicheteuses à mort). Lavoine n'est pas dirigé, et tombe dans des clichés glamour qui soûlent. Seul Rufus est bon, on ne la lui fait plus à lui, dans son petit rôle de patriarche bon enfant. Pour tout le reste, on est dans le sur-attendu, musique, écriture, ambiances, personnages (ce petit garçon trognon recueilli par la troupe mériterait des calottes tant il est lisse et oecuménique). Vous l'avez compris, je suis très en colère. Mon Shang, j'espère que tu ne m'en voudras pas de ne pas te suivre du tout sur ce film-là, qui, pour moi, est un navet. Je te paye l'apéro dès qu'on se voit.   (Gols - 09/03/11)

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