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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 février 2011

Othello (A double Life) (1947) de George Cukor

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Il est toujours dangereux voire destructeur, pour un acteur, de se faire vampiriser par un rôle, surtout quand celui-ci est Othello... C'est clair.  Belle idée de scénario en soi qu'exploite joliment Cukor dans ce film éminemment sombre (les scènes de jour peuvent se compter sur les doigts d'une main) qui bénéficie en prime d'une musique ample et inspirée de Miklos Rozsa. Bien que le rôle-titre interprété par Ronald Colman lui valut un Oscar (...), j'avoue que, lorsqu'il est sur scène, je l'ai trouvé un peu pathétique : affreusement grandiloquent, terriblement mal à l'aise dans sa diction des vers, le père Ronald a bien du mal à nous convaincre en Maure de Venise... Heureusement qu'il parvient à être plus convaincant lorsqu'il se met à perdre la boule et à errer dans ce quartier italien ou lorsqu'il pète de grosses colères avec sa femme. Dès qu'il endosse le costume du Maure - d'autant que face à lui Signe Hasso/Desdémone en fait également des tonnes -, Shakespeare doit faire un peu la grimace...

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Colman - Anthony John - et Hasso - Brita - sont donc deux acteurs de théâtre qui ont connu des hauts et des bas dans leur vie conjugale... Mariés puis divorcés, ils semblent à nouveau être au diapason : leur dernière comédie sur scène est un grand succès (genre vaudeville de base à première vue qui rend les gens curieusement hilares - nous, moins) et leur couple refonctionne aussi bien côté cour que côté jardin. Lorsque Colman évoque l'idée de monter Othello, Hasso ne peut s'empêcher de craindre le pire tant son ex-mari semble avoir une méchante tendance à laisser déteindre son rôle sur son propre caractère. La pièce se monte malgré tout mais dès le soir de la première, qui est un triomphe, on sent que Colman perd déjà un peu pied - une étrange petite musique et certains passages du dialogue continuant de le hanter. Totalement hagard il quitte la soirée en essayant de reprendre ses esprits... Il frôlera la catastrophe le soir de la 300ème en étant à deux doigts d'étrangler son ex-femme sur scène et craquera totalement le soir du deuxième anniversaire de la pièce. Après une terrible scène de jalousie qui poussera son ex à lui claquer la porte de sa chambre au nez, il quitte le domicile : totalement possédé (un petit côté "acteur Anthonyll et mister Othellyde"), il va rendre visite à une serveuse (Shelley Winters, du coffre comme on dit) dont il avait fait connaissance avant de monter la pièce... Totalement sous l'emprise de son rôle, il ne parviendra pas cette fois-ci à se contrôler.

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Cukor se fait un devoir de jouer avec les miroirs et autre reflets dans la vitrine de magasin à mesure que Colman se fond dans son rôle. Il excelle également à filmer certaines séquences depuis les coulisses (exposant au passage l'enchevêtrement de l'arrière du décor comme une image du cerveau troublé de Colman - théâtre d'ombre plus que de lumière, oui), à mesure que la frontière entre la scène et la réalité se fait de plus en plus poreuse pour son personnage principal. Le climax est atteint lorsque Colman/Othello, sur scène, aperçoit dans les coulisses le patron du restaurant italien - sa vision se trouble, ses phrases s'emmêlent, son esprit part totalement "dans le décor"... Et de la Tragédie à la tragédie, il n'y a qu'un pas, minuscule. Grand film sombre sur les dangers du métier qui reste tout de même, sans doute, un ton en-dessous du noirissime Sunset Boulevard

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