Fantasma de Lisandro Alonso - 2006
Au vu de ce troisième film d'Alonso, on est en droit de se demander si le gars ne serait pas par hasard un imposteur. On aimait la lenteur hypnotique (et austère) de La Libertad et Los Muertos, parce qu'elle semblait portée par une vraie vision, un vrai monde intérieur ; elle se transforme avec Fantasma en tic de style très soûlant, qui n'obéit plus à aucune nécessité et devient une simple posture vaine et crâneuse.
La ville réussit beaucoup moins à Alonso que la jungle et la pampa. C'est pourtant au sein d'un immeuble moderne, encerclé par le bruit des voitures, qu'il situe l'action de son film ("l'action"... jamais ce mot n'a été si inapproprié). Les personnages de ses deux premiers films errent comme des spectres dans ce cinéma désert de centre-ville, passant de la cabine de projection aux chiottes, du hall d'entrée à la salle elle-même, où est projeté Los Muertos. Alonso vise la mise en abîme en montrant cet acteur assister à son propre film, et on se dit qu'il y a peut-être une piste intéressante. Mais baste : ça ne mène à rien, à moins qu'on ne puisse voir dans cette salle déserte une allégorie sur la difficulté du gars de montrer ses films. Il y a en effet quelque chose d'effrayant dans cette séquence qui cadre des fauteuils vides ; si un autre spectateur fait son entrée, c'est pour sortir en cours de projection. Seule une admiratrice restera jusqu'au bout, mais échouera à transmettre son enthousiasme, tout comme l'acteur échouera à lui montrer une quelconque sympathie.
Avant et après cette scène, disons, un peu intéressante, Alonso se livre à son exercice préféré : filmer le rien, l'attente, l'immobilité, le temps qui passe, en montrant des êtres dans un décor et point barre. On sent pourtant, cette fois-ci, énormément de roublardise dans le dispositif, comme si cette rigueur était devenue le point de non-retour d'Alonso, et qu'il s'y pliait comme un passage obligé. Pas de quête cette fois, ni même de description documentaire d'un mode de vie : juste le vide, dans des plans qui s'étirent au-delà du raisonnable et qui ne semblent être là que pour justifier le métrage. Ni "beau", ni intéressant, ce film ne parvient même pas à retrouver l'aspect hypnotique, légèrement hallucinant, du cinéma d'Alonso. Fantasma ne sert à rien, n'intrigue même plus, ennuie ferme et s'oublie immédiatement.