Vas-y, fonce (Drive, he said) (1971) de Jack Nicholson
Derrière ce titre français affligeant se cache le premier véritable long-métrage de Jack Nicholson qui, à défaut d'être parfait, a une patate terrible. En suivant deux personnages sur un campus ricain en ce début des années 70, le grand Jack dresse un portrait de cette jeunesse américaine protestataire qui décoiffe ; deux potes de chambrée, l'un engagé politiquement, vivant dans la peur du recrutement pour l'armée, qui part méchamment en vrille ; l'autre engagé baskettement, snobant le recrutement pour devenir joueur professionnel, dont les états d'âme sentimentalo-sportifs partent un peu en quenouille. On ne sait pas toujours forcément sur quels sentiers le cinéaste veut nous mener mais il parvient à produire au final un film bourré d'énergie et d'impertinence qui, quelque quarante ans plus tard, a à peine pris une poignée de ridules.
Dès la première séquence, on est entrainé dans un tourbillon plein de bruit et de fureur avec ce match de basket filmé au cordeau, soudainement interrompu par des étudiants, en tenue paramilitaire, qui mettent en scène un incroyable happening contre la guerre au Vietnam. Le caméraman semble avoir douze bras pour capter l'ambiance - certaines scènes d'une véritable émeute estudiantine ayant, en plus, apparemment, servi de toile de fond - et on est happé d'entrée de "jeu" (c'est le mot) par ce flux d'action. Ensuite, c'est vrai que ça se calme un poil, le récit se concentrant, entre deux matches de basket filmés de façon toujours aussi efficace, sur les déboires de nos deux larrons : Gabriel (bouillonnant Michael Margotta) se gave de pilules avant de faire ses "trois jours", et on ne peut point dire que cela va permettre de calmer sa rage : entre sa façon de péter littéralement à la gueule des recruteurs et le final de folie - une course à poil sur le campus avant de libérer toutes les bébêtes du vivarium de biolo ("going wiiiiilddddddddddd", c'est le mot) -, on sent que le gars a bien du mal à pouvoir être canalisé ; Hector (athlète émérite qui la joue relativement à la coule), s'il enchaîne les succès sur le terrain - c'est une star - et avec les femmes (se tape la blonde d'un de ses profs entre deux fans) -, est loin de trouver une véritable sérénité (il se sent un peu "op-pressé" si on voulait mettre une légende à la première photo): pasque, forcément, la donzelle est mariée, et même si son mari est plutôt coulant, elle est loin de se plier à tous les désidérata du jeune homme : ces tensions sentimentales ont méchamment tendance à influencer ses relations avec son coach, avec qui les rapports deviennent de plus en plus chauds. Bref, on sent bien à travers ces différents épisodes un petit parfum d'insatisfaction généralisée propre à l'air du temps.
Même si Nicholson nous laisse un peu sur la touche au moment de conclure, on sent qu'en cours de route, il se sera fait plaisir à montrer ce qu'il voulait : des séquences de douche filmées sans tabou - ben ouais, on reste po en slip - à la séquence d'amour filmée frontalement dans la voiture - s'il ne montre point les corps, la jouissance de la donzelle est, elle, joliment explicite -, des séquences sportives filmées à toute blinde au final qui part totalement en live, on sent bien que l'homme n'a jamais cherché à faire de quelconques compromis. Même si la ligne narrative n'est pas toujours d'une clarté absolue et si l'oeuvre paraît parfois un peu brouillonne, on finit par franchement s'en taper devant l'évidente audace et la spontanéité qui se dégagent de l'ensemble. Fonce Nicholson.