Chaos (Kaosu) de Hideo Nakata - 1999
Après Ring, Nakata voudrait bien prouver qu'il est aussi bon dans un autre genre : celui du polar à tiroirs. Du polar hitchcockien, comme dit la jaquette du dvd, ce qui montre combien le terme est galvaudé, on ne voit vraiment pas ce qu'il y a d'hitchcockien là-dedans. Bref. La bonne idée, c'est la construction du film : toutes les 20 minutes environ, la trame "décroche", à grands coups de flashs-back, flashs-forward et autres changements de points de vue, qui à chaque fois relancent l'action. On croit au départ qu'on à droit à une bête histoire d'enlèvement qui tourne mal (la femme d'un homme d'affaires est kidnappée), puis on comprend que le ravisseur n'est peut-être pas celui qu'on croit, puis en fait si, puis en fait non, etc. En élargissant peu à peu son histoire depuis l'évènement originel jusqu'à un complexe écheveau de manipulations et de coups fourrés, Nakata parvient à densifier sa trame qui, on s'en rend compte, aurait finalement été un peu fade racontée dans l'ordre. Ce morcellement de l'action fait son effet, d'autant que les changements de temps ne sont annoncés par aucun effet, et qu'on sent que le cinéaste fait confiance en notre intelligence pour recoller les pièces du puzzle dans l'ordre.
Malheureusement, ça s'arrête un peu là : emballé par cette technique de narration, Nakata complexifie outre mesure son scénario, jusqu'à ce qu'il ne ressemble à rien d'autre qu'à une "machine à surprises" envoyant à intervalle régulier un nouveau coup de théâtre. Totalement invraisemblable, cette histoire d'enlèvement qui se double d'une histoire de sosies, de maîtresses et de domination sado-maso (piètre séquence de bondage troublante comme une émission de Drucker) se vide de sens pour tomber dans le vain exercice de style. En plus, c'est infâmement mal joué. Il reste quelques jolies idées parsemées ça et là (très joli final, par exemple, qui rappelle la force visuelle de Nakata pour fabriquer des plans effrayants et qui vous rentrent immédiatement dans la tête), un sens de l'étrangeté qui apparaît de temps en temps ; mais ça manque trop clairement d'assaisonnement pour un cinéaste aussi intéressant par ailleurs. Même si je comprends qu'il en souffre, il faut peut-être que Nakata se rende compte qu'il est un cinéaste de films d'horreur, et que dès qu'il sort de ce genre (on l'a vu avec le récent Chatroom aussi), il est moyen...