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25 octobre 2010

Juste avant la Nuit de Claude Chabrol - 1971

vlcsnap_2010_10_24_20h40m32s119Chabrol semble avoir relu son petit Dostoïevski illustré avant de s'atteler à ce film, et nous propose une variation attachante sur la culpabilité et le besoin d'être puni pour ses actes. Dans le rôle de notre Raskolnikov national, Michel Bouquet, idéal pour endosser ce personnage obscur et "banal" de petit bourgeois torturé par le remords : lors d'un jeu érotique assez trouble, il a étranglé sa maîtresse, qui se trouve être également la femme de son meilleur ami (François Perrier). Alors même que l'enquête piétine, que rien ne rattache cette affaire à ce petit citoyen au-dessus de tout soupçon, et que même ceux qui sont au courant de son acte essayent de le convaincre de se taire, lui est irrémédiablement attiré vers la dénonciation, l'humiliation, et la punition. C'est sur les personnages que repose toute cette histoire : le bestiaire habituel de Chabrol, bourgeois dissimulant leurs turpitudes sous le clinquant des intérieurs dorés, nanti dont l'apparent bonheur sans histoire cache des tortures judéo-chrétiennes insupportables. Les acteurs sont irréprochables : Perrier en homme triste et vlcsnap_2010_10_23_23h02m21s49désabusé, assommé par la mort de sa femme, n'éprouvant plus aucun sentiment pour rien ; Audran, vraiment superbe en épouse aimante et normée qui cherche à tout prix à sauver les apparences et son mari ; Bouquet en petit mec sans envergure confronté à lui-même, et dont chaque scène est une surprise.

Pour cette fois, l'humour est mis de côté au profit d'un ton très grave, parfois à la limite du tragique dans les dialogues et la froideur de la chose : cadres hanekiens sur les décors et les ambiances de bonheur conjugal (la cérémonie de Noël filmée comme un cauchemar domestique), gros plans hystériques lors des moments plus tendus (la première scène, celle du meurtre, assez bluffante). La photo cradingue typique des années 70, la musique entêtante, la façon de filmer la nature comme une menace (splendide plan-séquence nocturne où les personnages sont quasiment effacés par l'envahissement de l'obscurité), tout participe d'une vision du monde terrifiée, où les intérieurs bourgeois sont tout aussi effrayants que la mer battue par les vlcsnap_2010_10_24_18h35m01s69vents. L'âme tourmentée de Bouquet ne peut que s'épanouir dans une telle atmosphère, et le scénario touche juste quand il s'agit de cerner un état d'esprit, un personnage, un caractère : psychologiquement correct, d'une profondeur intérieure inattendue de la part de Chabrol, Juste avant la Nuit est un beau film intelligent et parfaitement maîtrisé.

Commentaires
P
Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain: pour moi, les 4 derniers films de Chabrol sont un ton en-dessous. Mais La femme infidèle, Juste avant la nuit, Ophélia, Que la bête meure, Les noces rouges, La rupture, Les fantômes du chapelier, Masques, Betty et La cérémonie sont à ranger au Panthéon des grands films du cinéma français.<br /> <br /> <br /> <br /> Chabrol a beaucoup payé ses trop nombreuses apparitions télé, son côté débonnaire, son soi-disant manque de sérieux parfois, son absence d'ego et de prétention.
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P
Bon, trouvez, trouvez, c'est pas grave. M'enfin, bon, quand on aime le cinéma, on peut pas vraiment écrire que "Chabrol a rarement fait du bon". Il a sondé dans une bonne moitié de sa filmographie les tréfonds de l'âme humaine en transmettant de l'indicible par les moyens de la mise en scène. Regardez par exemple les explications qu'il donne dans les suppléments du DVD de "Poulet au vinaigre" sur la mise en scène du repas entre le postier et Pauline Laffont... La précision de mise en scène à ce point-là, c'est du grand art !
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G
Je trouve par ailleurs que Chabrol a rarement fait du bon.
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P
Bon, quand on se permet d'écrire que "Chabrol a rarement fait du bon" alors que c'est un des plus grands, des plus profonds cinéastes du monde, qui arrive à exprimer de l'indicible par les seuls moyens de la mise en scène, ça devient grave... Passons ...<br /> <br /> "Juste avant la nuit" est un de ses films préférés et ce n'est pas parce qu'il a été mis en chantier dans l'urgence qu'il n'est pas bon. L'aspect que je préfère ici, c'est le côté comique du film: Bouquet veut se confesser mais personne (femme, ami, et même la police) ne l'écoute. Ce thème était déjà dans "Mais qui a tué Harry ?" d'Hitchcock.<br /> <br /> Pour ce qui est des derniers Chabrol, c'est vrai que L'ivresse du pouvoir, La demoiselle d'honneur, La fille coupée en deux sont moins intéressants; par contre, il y a dans Bellamy un ton, une ambiance étonnante et un scénario très coquin qui se permet de mépriser ouvertement l'intrigue au profit des thèmes. On comprend que ca puisse irriter.
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W
Ce n'est pas Anna Douking (dans le rôle de la morte) qui est doublée par Denise Grey, mais Clelia Matania (dans le rôle de la mère).
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