LIVRE : Témoignages sur le Théâtre de Louis Jouvet - 1952

Louis Jouvet a bien entendu toute mon admiration en tant qu'acteur et que pédagogue, ça va de soi. En tant qu'auteur, je dois avouer que c'est moins probant. Il y a sans aucun doute beaucoup d'intérêt dans ces notes diverses laissées par le maître, programmes d'intentions sur ses mises en scène, réflexions sur le métier de comédien, de metteur en scène, de critique, lettres adressées à de jeunes artistes, essais théoriques sur Molière ou Giraudoux, ou simples souvenirs (les plus jolies pages, celles consacrées à Knock). Mais tout est écrit dans une langue à peu près impossible, lourde, répétitive, laborieuse. Voilà qui gâche l'essentiel du plaisir qu'on peut ressentir aux idées du sieur. On sent derrière tout ça un être assez effrayant, alors même que Jouvet fait tout pour montrer de l'humilité et de la simplicité dans ses idées : souvent prétentieux à force d'être ampoulé, trop définitif la plupart du temps, il écrase son lecteur dans les textes purement didactiques, comme ceux sur l'imaginaire du théâtre ou sur le cinéma. Heureusement, pour contrebalancer ces lourdeurs, il y a de très belles pages sur la simple beauté du lieu théâtral (à travers une description des actes des décorateurs par exemple), sur la passion qu'il pouvait mettre dans un texte (Dom Juan, Tartuffe, Knock ou La Folle de Chaillot), sur la joie d'être acteur, tout simplement. Erudit, précis, souvent assez novateur dans sa vision des textes (il faut que je relise Tartuffe, diable, il me l'a éclairé sous un jour nouveau), Jouvet reste un être de savoir, d'exigence, de maîtrise, absolument nécessaire et irremplaçable ; il aurait juste dû se contenter de mettre en scène et de jouer, sans se mettre en tête d'écrire. Notons, à son profit, qu'il prévient lui-même, dès le premier texte de ce recueil, de l'inanité de ce projet : "Le comédien écrit. Il ne saurait le faire avec pertinence."