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Shangols
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20 septembre 2016

Le Monde perdu (The Lost World) de Harry O. Hoyt - 1925

vlcsnap_2010_10_16_10h16m59s89Les lecteurs assidus de ce blog connaissent peut-être notre passion, à Shang et à moi, pour les maquettes au cinéma. Si, comme nous, vous aimez les décors qui sentent la colle à bois et la peinture faite main, je vous conseille ce somptueux Lost World, qui devrait ravir n'importe quel inconditionnel de modèle réduit. Je ne sais pas qui est ce Harry O.Hoyt, mais il semble que son ambition et son culot soient sans limite : le voilà qui se met en tête, en 1925, de fabriquer un film de dinosaures, préfigurant ainsi le King-Kong de Cooper et Schoedsack qui ne sortira que 8 ans plus tard. L'histoire est en gros la même : un scientifique a découvert une île où les dinosaures ont été préservés ; devant le scepticisme de ses collègues, il monte une fine équipe pour retourner sur les lieux et ramener des preuves de ses allégations. Je ne vous dis pas s'il y parviendra, mais sachez en tout cas qu'il croisera un homme-singe, nombre de diplodocus et autres brontosaures, une éruption volcanique, et surtout un bon quintal de pâte à modeler destiné à donner vie à un bestiaire faramineux.

vlcsnap_2010_10_16_01h08m10s177Rien ne semble hors de portée de Hoyt, ni les décors démesurés, ni les combats de monstres, ni la lave qui recouvre entièrement le décor. Et le pire est que tout ça fonctionne superbement. J'ai adoré ces effets d'artisan, qui feraient baver d'envie Michel Gondry, ces petits pétards plantés dans des mini-montagnes pour donner l'impression d'un volcan qui se réveille, ce comédien déguisé en singe, ces faux feux de camps faits avec de la fumée de cigarette, ces dinosaures visiblement sortis de la malle à jouets de Hoyt junior. C'est la technique du "stop motion" (je crois que c'est comme ça que ça s'appelle, mais je suis pas spécialiste), mais les mouvements conférés aux monstres sont d'une très belle fluidité, et au service d'un spectacle énormissime. Comme en plus le film est magnifiquement restauré (Bromberg est derrière le truc), on apprécie pleinement la vastitude de ces décors (la jungle, les salles de conférences du professeur, le London détruit de la fin), la profondeur de champs, et la façon dont Hoyt se sert d'une difficulté technique (la surimpression, la nécessité de placer ses acteurs dans le même cadre que ses petits jouets) pour en faire une qualité visuelle : on a presque l'impression parfois que le film est en 3D, surtout dans la longue séquence centrale qui montre l'exode des dinosaures : la vue s'étend jusqu'à l'infini, avec partout des monstres qui courent, et devant tout ça, les acteurs qui s'agitent.

vlcsnap_2010_10_16_15h38m36s177Bon, il est vrai que, sorti de cette merveille technique, le film est absolument sans intérêt, que ce soit dans son scénario (pourtant adapté de Conan Doyle, qu'on voit d'ailleurs au début du film) dans son jeu d'acteurs (avec pourtant l'apparition garçonne d'une actrice très étrange, Bessie Love) ou dans ses dialogues (10 fois trop de cartons, dont celui-ci : "What difference does it make where we are, Paula - so long as we are - together ?"). Une fois les dinosaures fabriqués, Hoyt semble bien en peine d'en faire quoi que ce soit, et on ne tremble jamais pour nos héros, à qui il arrive finalement bien peu de choses : un numéro d'équilibriste vite réglé sur une échelle de corde, un combat avec l'homme-singe, et point final. On n'est pas encore chez Spielberg au niveau de l'invention. Les personnages sont affreusement conventionnels quand ils ne sont pas incompréhensibles (c'est quoi, cette pauvre histoire d'amour qui arrive comme un cheveu sur la soupe ?), le scénario part dans tous les sens et sa résolution est bien vite expédiée (manquerait-il des bobines ?) Mais là n'est pas l'ambition de Hoyt : rien que pour ce côté bricolo, The Lost World mérite mes révérences, et enterre tranquillement Peter Jackson et ses confrères, en leur montrant ce qu'est la technique mise au service de la poésie.  (Gols 18/10/10)


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Tout à fait au diapason de l'ami Gols, tant Hoyt propose des effets spéciaux vintage qui possèdent une véritable magie. Il nous sert tout un aéropage de dinosaures plus rigolos les uns que les autres et fait passer le gars Spielberg pour un petit joueur lors de la fameuse séquence de l'explosion du volcan qui met en fuite l’ensemble de ces créatures antédiluviennes toutes biscornues. Sa capacité à jouer avec ses décors peints n'est pas sans faire penser au grand Karel Zeman (qui dut trouver chez Hoyt une véritable source d'inspiration) et l'on se régale de ces micro-personnages évoluant dans ces décors grandioses qui semblent pouvoir tenir sur la table basse du salon. Après, malheureusement, les défauts soulignés par Gols pèsent sur l'impact qu’aurait pu avoir le film : dès le départ, la multiplication des intertitres hachent le fil narratif et, à aucun moment (cette histoire d'amour qui tombe en effet comme un singe d'une liane - et je ne parle pas de cette actrice qui, un plan sur deux, se contente de mettre la main devant la bouche pour traduire la peur - même quand elle voit un paresseux), on éprouve une quelconque empathie envers ses aventuriers pris au piège et jouant l’effroi.

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On se plaît à voir dans le gorille un ancêtre de celui qui enleva Pierre Richard dans La Chèvre (il est con ce singe), notre figurant grimé avec de la colle Uhu s'amusant à jouer des tours de cochon à l'ensemble du casting. Les connaisseurs prendront également un certain plaisir à retrouver les macaques que Kinski balançait d'un air rageur en dehors de son radeau chez Herzog. On demeure donc de bout en bout totalement admiratif par ces millions de petits trucages mignons comme tout, mais, au contraire d'un King-Kong qui marquera les mémoires (dans l'histoire sentimentale improbable comme dans la terreur - mes draps s'en souviennent encore), on regarde la chose avec une évidente distance - comme si les dinosaures en pâte à modeler écrasaient de leur superbe nos héros en carton. Fi donc de l'émotion, mais restons un ardent défenseur de cette chose oubliée dans les tiroirs qui a en effet bénéficié d'une magnifique restauration - un grand film du samedi soir d’un temps que les moins de cent-vingt ans ne peuvent pas connaître.   (Shang - 20/09/16)

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