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15 octobre 2010

L'Homme aux Lunettes d'écaille (Sleep, my Love) de Douglas Sirk - 1948

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Il reste des films formidables de Sirk à découvrir dans sa période pré-mélo, et je ne peux que m'en réjouir. Sleep, My Love est de la plus belle eau, et unit en un seul film deux genres précieux chez Sirk : le drame domestique, et le film noir. Le sujet est relativement rebattu, pour peu en tout cas qu'on ait vu Suspicion d'Hitchcock, que le bon Douglas ne se gêne pas de piller allègrement : un mari volage veut se débarrasser de sa femme, et pour ce faire tente de lui faire croire qu'elle est folle et de la pousser au suicide à grands coups de séances d'hypnose et de somnambulisme. La bande des méchants est particulièrement bien troussée : outre le mari (Don Ameche, sur-sirupeux et élégant dans ses peignoirs brodés), il y a la bombasse vénale de service (Queenie Smith, deux jambes et presque rien d'actrice au-dessus) et un geek parfaitement luisant et mou dans le rôle-titre de l'homme aux lunettes. Cette association de malfaiteurs est bien plus riche en couleurs que le parti des gentils, constitué de la seule Claudette Colbert, assez fade, et du faux beau Robert Cummings, échappé de chez Hitchcock et bien en peine dans les scènes de séduction avec Claudette. Tant pis pour le déséquilibre : après tout, cette femme est sirkienne en diable, quand on connaît le goût du sieur pour les femmes "banales", entre deux âges, et sur lesquelles on peut aisément se projeter.

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Au centre du film, il y a bien sûr le décor, toujours aussi inspiré et symbolique, avec son escalier de rigueur et sa baie vitrée de circonstance. Comme dans ses films plus tardifs, Sirk utilise à merveille le pouvoir allégorique de ses intérieurs : ces complexes plans sur le mobilier, et sur cet escalier, sont une prolongation de la folie qui habite peu à peu cette pauvre Alison, et l'extérieur, que l'on distingue derrière les grandes vitres sont à l'image de son état intérieur (pluie quand la dépression guette, soleil printanier aux premiers émois du coeur, densité de la "jungle" quand la folie s'épaissit). Sirk multiplie plongées contre-plongées, enchevêtrements de marches et de paliers, pour mieux exprimer la torsion mentale de son héroïne, et se sert de son escalier avec une maestria intacte. Même pour les scènes ailleurs, c'est du grand art, comme lors de cette séquence de mariage, où les arbres deviennent une pure projection idyllique du bonheur d'Alison, et où les magnifiques mouvements de caméra et les jeux sur les ombres et les lumières sont d'une élégance parfaite. La trame est beaucoup moins fine que les futurs chefs-d'oeuvre, mais la mise en scène est déjà bien en place avec tous ses motifs.

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Sirk répond présent quand on a besoin de lui, dans toutes les scènes de tension surtout, notamment dans ce très beau final fait de grandes ombres projetées sur les murs alternant avec des macro-plans sur les objets les plus porteurs de drame (un pistolet aux mains d'une femme, une lampe qu'on allume, une silhouette derrière une vitre teintée...). C'est spectaculaire quand il le faut, tout en restant du côté de la modestie et de la narration. Un petit plaisir sans façon qui fait du bien aux mirettes.

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