Le Genou d'Artémide (Il Ginocchio di Artemide) de Jean-Marie Straub - 2008
Ca faisait un moment que je n'étais pas allé faire un tour chez les Straub, et je sens bien que ça vous manquait, bande de petits coquinous. M'y revoilà donc avec un des derniers films en date du père Jean-Marie, privé de sa moitié mais qui n'en reste pas moins fidèle à la Danièle dans la forme. C'est le lot habituel : un dialogue dans la forêt, tiré d'une oeuvre de Pavese, et filmé au minimum du minimum de ce qui est possible au cinéma. Quatre plans, montés dans une géométrie scrupuleuse : les deux protagonistes en plan d'ensemble, un plan serré sur l'un d'eux, de dos, et deux plans serrés sur l'autre. Straub travaille sur le champ/contre-champ, trouvant comme toujours une rythmique étrange et bien à lui dans la "distribution" de ces quatre cadres. Car, encore plus que les mots, c'est le montage qui donne ici le tempo, et Straub semble avoir atteint un sommet dans la précision de sa construction. On a déjà vu sous sa caméra au moins 5 films conçus de la même manière depuis Ouvriers Paysans en 2001, mais à force de revenir à cette forme, on dirait qu'il a trouvé là son accomplissement (j'espère, parce que c'est vrai qu'au bout de 10 ans, on aimerait bien qu'il passe à autre chose). Bon du coup, dans cette forme toujours aussi radicale, le moindre détail fait figure d'évènement historique : une mouche qui court sur le col de l'acteur, un changement de lumière, une pause dans la litanie verbale, et nous voilà en plein film d'action. Ca marche, voilà ce que je veux dire, si tant est qu'on ait envie de vérifier que le cinéma n'a pas besoin de grand-chose pour être du cinéma : un lieu, un acteur, quelques mots, la nature qui agit d'elle-même, et zou.
Mais, on le sait, un film straubien ne serait pas straubien sans son panoramique. Ici, on est gâté : pas moins de 5 panos bouclent le film, droite-gauche, gauche-droite, et même, accrochez-vous : gauche-droite, pause, gauche-droite, PUIS DROITE-GAUCHE !!! C'est bien joli, on découvre la forêt et quelques pitites constructions (on ne nous dit pas ce qu'elles représentent), mais il n'empêche qu'on est un peu agacé par cette répétition du même d'un film à l'autre. Il y a aussi, pour ouvrir le film, quatre minutes de noir total accompagnées du Chant du Monde de Mahler (la musique de mon premier spectacle, j'en ai pleuré, où sont les neiges d'antan ?), ce qui rapproche le film d'un Barry Lyndon en moins fun. On comprend le principe : laisser la musique prendre sa place, pour laisser éclater l'image ensuite dans toute son épure. On comprend, mais on s'ennuie un peu de voir le gars Straub stagner depuis une décennie dans les mêmes idées. Mieux vaut voir, finalement, Itinéraire de Jean Bricard, au moins plus inattendu de la part de Straub, ou Le Streghe, plus senti.
Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez