Tous les Garçons aiment Mandy Lane (All the Boys love Mandy Lane) de Jonathan Levine - 2006
"Entre Gus van Sant et Wes Craven", clame le dernier numéro des Inrocks. Ah ? J'aurais eu le choix, moi, j'aurais plutôt dit "entre Just Jaeckin et Luc Besson". Question de regard, faut croire. Ce que les Inrocks qualifient de style van Sant, ça doit être ces ralentis et autres effets de caméra sur des ados déifiés physiquement : Levine filme son héroïne (la bimbo Mandy Lane, qu'il faut visiblement trouver sublime) en épousant toutes ses formes, qu'elle a girondes, y ajoute une louche de musique tendance, appuie sur un des boutons de sa caméra pour obtenir un effet, et attend qu'on le mette sur le même pied que le réalisateur de Elephant. Le résultat est un style clippesque à mort, crétin dans ce regard de papier glacé qu'il pose sur les corps des jeunes gens, audacieux comme une pub pour Nike. Il ne suffit pas de silloner les couloirs d'un lycée en steadycam et d'opacifier le visage des acteurs pour être van Sant, la preuve est éclatante ; pour être à la mode, ça semble suffire, même si les effets à rebondissements de la mise en scène finissent par rendre illisibles les scènes horrifiques : une nouvelle fois, voilà un film d'horreur d'une pudeur de vierge effarouchée, qui n'appelle jamais un chat par son nom et qui s'arrête systématiquement à l'entrée des scènes les plus difficiles. Pas de gore, à peine du sang, même pas une vague peur. A la place, une gênante posture moralisatrice qu'on croirait effectivement issue des années 70 (ça, c'est pour le côté Craven) : la jeunesse d'aujourd'hui est crétine, avinée, inculte, irresponsable, et surtout elle est entièrement préoccupée par le sexe ; Mandy Lane, elle, reste pure et vierge, fait du sport et ne boit pas. Devinez quelle partie du casting va être décimée. Ce portrait de la jeunesse d'aujourd'hui, pourtant réalisée par un gars qui a sensiblement le même âge que ses héros, fait froid dans le dos par son regard réactionnaire et bien-pensant-judéo-chrétien.
A la gloire de Levine, deux choses pourtant : les scènes de sexe, justement, frontales et glauques, ce qui ne manque pas d'étonner dans un film aussi coincé ; il y aurait du refoulement là-dedans que ça ne m'étonnerait pas. Et la bonne idée de dévoiler l'identité du tueur à mi-chemin, ce qui permet de se laisser aller au simple plaisir de la tuerie sans s'emmerder avec une enquête. Mais à part ça, c'est affligeant de consensus mou. Je vais peut-être me retaper un van Sant ou un Craven, moi.