Ces Messieurs Dames (Signore & Signori) (1966) de Pietro Germi
Voilà une palme d'or cannoise qui m'avait échappé - eh ouais 1966, ex aequo avec Un Homme et une Femme, c'est rude... - et qui démontre une nouvelle fois à quel point la comédie italienne dans ces années-là était un festival d'acteurs, d'actrices sublimes, de répliques croustillantes et possédait surtout un rythme d'enfer : ça hurle, forcément, ça donne des baffes - homme et femme - à toute volée, la gente masculine se damnerait pour posséder - en catimini - une créature féminine, c'est un concentré de machisme, d'hypocrisie, de séduction, de tromperie, de vie tout simplement, tout ce qui fait de l'Italie le pays le plus starbé et pétillant du monde. Au passage, les mentalités de clochers, la religion, les diverses institutions en prennent pour leur grade, et on jubile à voir tout ce petit monde finalement obnubilé par l'essentiel : l'acte sexuel - les sentiments venant accessoirement, en prime...
Trois histoires qui se concluent chaque fois par un arrêt sur image, mais l'on retrouve à chaque fois les mêmes protagonistes : la première met en scène des petits bourgeois lors d'une soirée mouvementée où le docteur (truculent Alberto Lionello) passe son temps à rire de l'un de ses potes et patients qui lui a avoué dans le plus grand secret ses problèmes érectiles... Il le jette dans les bras de sa femme - un jeune créature aussi stupide que blonde -, histoire, soi-disant, de lui remonter le moral mais surtout pour se fendre encore plus la pipe... Seulement l'Italien, le fourbe, est prêt à connaître la pire des humiliations pour parvenir à ses fins. Belle histoire d'arroseur arrosé où l'essentiel, pour le mari trompé, reste encore de garder la face en lavant son linge sale en "famille"... L'un qui ne va pas tarder à la perdre aux yeux de toute la communauté, c'est le pépère Osvaldo Bisigato (Gastone Moschin à mourir) : marié à une femme tyrannique, il va s'éprendre fougueusement d'une chtite serveuse, une Virna Lisi plus craquante que jamais. Le scandale ne va pas tarder à éclater - quand une personne est dans la confidence c'est toute la place publique qui l'est - et notre passionné Osvaldo va tenter de lutter bec et ongle contre tout un chacun... Tache difficile voire impossible, quand on doit faire face à un mur (des hommes de loi aux hommes de foi en passant par la famille (celle de sa femme et la sienne - sa propre mama : "Je te déshériterais si j'étais riche") et l'ensemble de cette bourgeoisie toujours solidaire quand il s'agit de lapider l'un des siens). Osvaldo n'est jamais à court d'idées dans l'adversité (des boules Quies qu'il s'enfourne dans les oreilles chaque fois que sa femme lui parle à la tentative de suicide grandiloquente sous une foule médusée) mais il faut être un véritable Titan pour résister à la pression d'une ville entière... Dernière histoire, plus osée, avec une jeune fille peu farouche que s'échangent tous les notables de la ville ; l'histoire se complique quand il apparaît que la jeune fille n'a que 16 ans et que le pater paysan porte plainte contre cette brochette de profiteurs... Seul l'argent peut venir sauver la face de la morale...
Lettres de délation forcément anonymes, coups fourrés à tous les étages, institutions facilement corruptibles, ça tape à boulets rouges à tous les niveaux, et le plus fort c'est que c'est hilarant de bout en bout. Même les excès de violence, dans l'emportement - des séries de baffes obelixesques - finissent par arracher des sourires tant la grandiloquence italienne flirte toujours avec un certain ridicule. On passe en une demi-seconde de l'hypocrisie à la sincérité, de la passion au pathétisme, de l'innocence à la culpabilité, et Pietro Germi est un génie pour mettre en scène et faire cohabiter ce maelstrom d'émotion en un plan. Des sentiments exacerbés, des hommes et des femmes, à Pietro la palme, à Claudio le socle - bah, une chtite pique au passage, c'est de bonne guerre, chabadabada.