Un si doux Visage (Angel Face) (1952) d'Otto Preminger
Quelle grande idée que celle de me faire un petit cycle Preminger. Angel Face est une véritable merveille, un film noir comme je les adore, avec un Preminger absolument royal aux manettes, une musique de Dimitri Tiomkin avec des volutes de piano dantesques, et deux acteurs admirables : un Robert Mitchum séducteur malgré lui et une Jean Simmons dont le si doux visage cache des desseins bien noirs... Bien que, comme le Robert, on ne soit pas dupe de la petite mécanique criminelle qui se met en place sous nos yeux, on plonge totalement dans les grands yeux de la Jean à laquelle on donnerait le Bon Dieu sans confession, et dans ce récit où sous l'aspect angélique se révèle une face diabolique terrible. Une femme fatale pure et dure comme seul le cinéma d'Otto (d'auto ?... rah trop facile mais tellement tentant) sait en produire.
Ce serait véritablement un crime de dévoiler l'intrigue; disons simplement pour appâter le chaland que le gars Robert, simple conducteur d'ambulance, vit une amourette bien paisible avec la blonde et douce infirmière... Mary (Mona Freeman parfaite dans le rôle de cette femme d'une pièce). Lors d'une urgence dans une immense demeure, il va se retrouver attiré par une petite mélodie au piano qui le mène tout droit vers Diane, Jean Simmons. Difficile de résister au sourire et aux yeux pétillants de la jeune fille dont il ne sait encore quelle partition elle a écrite pour lui. Plus la jeune fille joue les bonnes samaritaines, plus le Robert se fait prendre dans ses rets. Seulement Mitchum n'est pas tombé de la dernière pluie et commence à se méfier des plans que semble tramer cette âme si désintéressée au premier abord. Le reste n'est qu'une question de (petite) mécanique sublimement huilée, à laquelle le Robert va assister, comme impuissant : dur et rageant quand on est soi-même mécanicien...
Tout semble écrit comme sur du papier à musique, et pourtant on marche à fond sans que Preminger n'ait à appuyer lui-même sur l'accélérateur. Une première rencontre qui s'enclenche trop bien pour être honnête - une Diane chasseresse qui suit le Robert après son taff et qui se matérialise à l'autre bout du comptoir, alors même qu'il devait songer à elle après un coup de fil à sa douce demeuré sans réponse -, une rencontre entre Diane et Mary où l'on se dit que la chtite Jean Simmons ne manque pas de toupet, une idylle qui prend forme alors que le Robert n'a même pas eu le temps de respirer... On est pris dans le tourbillon initié par la Jean en un tour de main et, comme le Robert, on se dit que parfois il est bon de croire au miracle (mais les miracles ne sont jamais parfois que des pactes consentis avec le Diable...): cette dernière lui promet qui plus est au passage de vivre pleinement sa passion (conduire des voitures de sport) ainsi qu'un véritable avenir professionnel (ouvrir un garage).
Pouvait po savoir, le Robert, que le Diable était mélomane. Un plan en plongée sur un ravin qui suffit à faire froid dans le dos (la maison du diable étant forcément proche des abysses de l'enfer), une errance de la Jean dans son royaume totalement déserté superbement mise en scène par un Otto qui nous montre qu'une petite diablesse peut aisément souffrir de la solitude, le reste n'est que du nanan - bien noir - à savourer sans addition de sucre. Que du bonheur. Champagne...Fallen Angel me fait de l'oeil à quelques centimètres de ma télé, il sera dur d'y résister longtemps...